Chronique du Lundi 18 octobre 2010
J'aimerais avoir une voix plus virile !
Hervé M. (Etudiant en droit - 26 ans)
Bonsoir
monsieur. Je viens de consulter plusieurs de vos billets et j’éprouve
le besoin de vous écrire malgré cette heure tardive. Ma voix me cause
un problème qui, les années passant, me tient de plus en plus à cœur !
En deux mots, je la trouve trop fluette, pas assez virile ! Certains de
vos écrits me laissent entrevoir qu’une solution existe peut-être pour
moi. J’aimerais vous rencontrer pour un bilan vocal. Mon tel est le
(x). Cordialement. Hervé.
Ma réponse
Hervé.
Moi aussi, je suis devant mon ordinateur à cette heure tardive. Je vous
rassure donc sans plus tarder ! A moins de causes particulières, très
rares, une solution existe sûrement pour vous ! Restez confiant ! Je
suis pratiquement certain qu’un travail vocal cernant bien votre cas
vous aidera à tonifier votre voix. Je vous appellerai sans faute
demain. Bien cordialement. Jean Laforêt.
Bilan vocal d’Hervé
J’ai
reçu Hervé la semaine suivante pour un bilan vocal. C’est un jeune
homme très grand (1,9o m), souriant et sympathique. Notre premier
contact a été excellent. Ses tout premiers mots ont été :
-
Avant d’avoir découvert par hasard votre site et pris connaissance de
plusieurs de vos billets, je pensais que mon problème était sans
espoir. Maintenant, j’en ai un peu…
- Oui, il existe des solutions. J’ai fait travailler
plusieurs personnes ayant comme toi des difficultés de voix parlée.
Dans tous les cas, leur problème a été soit totalement résolu, soit
très largement atténué !
- Si ça pouvait être mon cas !
- Pourquoi pas ?
- C’est surtout les histoires de Patrick L. et
d’Armand N. qui m’ont motivé. De peur de tergiverser encore, je vous ai
envoyé tout de suite un mail…
- Je crois que tu as bien fait ! Ces deux
rééducations ont été en effet couronnées de succès et j’en garde un
très bon souvenir !
Voir les rééducations de Patrick L. et d’Armand N. dans les billets :
« Parler fort m’est impossible »
« Un gros problème de voix parlée »
Ensuite,
il m’a exposé en détail son souci vocal ! Je le sentais très nerveux.
Il parlait vite et sa respiration était superficielle. Il m’apprit que,
depuis sa puberté, sa voix le dérangeait vraiment ! Il la trouve « haut
perchée » et sans consistance. Il l’accuse de tous les maux ! Par
exemple, il refait très souvent le message d’accueil de son répondeur
sans être jamais satisfait du résultat ! Il me dit aussi que sa voix,
en le rendant peu sûr de lui, perturbe sa vie sentimentale… Il a
également des scrupules à s’exprimer à voix haute en public ! (*)
(*) Pour un futur avocat, ce dernier point est, en effet, très gênant !
Il
pensait qu’avec les années, cela s’arrangerait mais il me dit qu’au
contraire, son problème semble empirer ! Il est persuadé qu’avec une
voix plus grave et plus tonique sa vie serait complètement changée ! (*)
(*)
J’ai cru comprendre, en poursuivant plus avant notre conversation,
qu’il semblait envier la voix grave et sensuelle d’un ami à lui…
Tout
en l’écoutant attentivement, je jugeais que son timbre, un peu serré il
est vrai, n’était pas aussi « problématique » qu’il le pensait ! Un
certain travail était sans doute nécessaire, mais dans des proportions
raisonnables ! (*)
(*) L’aspect psychologique avait certainement une grande importance chez Hervé !
Les tests vocaux
Hervé
n’avait jamais chanté et prétendait chanter faux ! Je l’ai cru sur
parole jusqu’au moment où nos premiers tests - réalisés torse nu et
ventre libre - m’ont fait changer d’avis ! Sa respiration et ses appuis
laissaient beaucoup à désirer mais, en revanche, il avait une
excellente oreille ! Quant à sa voix, bien que non travaillée, elle
bénéficiait de bonnes possibilités ! Une petite raucité était
perceptible dans son timbre mais il n’y avait vraiment pas de quoi
fouetter un chat !
Cependant, je sais d’expérience que :
« Les choses ne valent que par l’idée que l’on s’en fait ! »
Je
me suis donc bien gardé de lui faire part de mes premières impressions
! Je lui ai dit surtout ce qu’il souhaitait entendre :
- Effectivement ta voix doit être travaillée pour acquérir plus de tonicité, de grave et de mordant !
- Oui, elle est trop fluette. Elle ne me correspond
pas du tout. Cela me gêne vraiment dans ma vie de tous les jours ! Je
ne suis crédible… nulle part !
- Oui, je comprends ce que tu ressens. Rassure-toi, cela peut s’arranger très bien avec du travail !
- J’aimerais pouvoir parler plus grave et plus fort !
- J’ai bien compris !
Comme dit plus haut, Hervé était d’un tempérament
très nerveux. Cet état, entretenu notamment par son souci vocal,
n’arrangeait rien ! Il était indispensable, en premier lieu, de
détendre ce garçon ! La moitié de notre futur travail était là (*)
(*)
Sa voix manquait peut-être d’un peu de grave, de tonicité et de mordant
mais son problème était loin d’être aussi crucial qu’il le pensait ! Je
me faisais fort, s’il coopérait, de le résoudre assez rapidement.
- Sais-tu que tu es extrêmement nerveux ?
- Oui, c’est vrai.
- La voix a besoin de calme pour trouver sa
meilleure place de résonance. Il faudra donc que tu acquières ce calme
pour donner à notre travail toutes les chances de réussir.
- Je devrais faire des relaxations ?
- Exact. C’est indispensable. Elles nous
permettront, tout en améliorant ton état nerveux, de rendre ta
respiration plus profonde. Pour l’instant, tu respires beaucoup trop
superficiellement.
- J’ai toujours été un peu agité, je fais tout trop vite…
- C’est bien là une partie du problème ! Il faut que tu apprennes à te contrôler.
- Ma voix s’en ressentira en mieux ?
- Oh oui ! Et pas seulement ta voix ! Contrôler sa
respiration est très important. Nous pourrons ensuite réaliser dans de
bonnes conditions le travail vocal nécessaire pour améliorer ton
timbre.
- Combien de temps faudra-t-il ?
- La bonne question ! Je ne sais pas ! Le moins de temps possible !
- C’est à dire, à peu près…
- Un an ? Ou beaucoup moins, qui sait ?
Nous avons opté pour un cours vocal intégral. Rendez-vous a été pris pour la semaine suivante.
Voir le billet : « Le chant thérapie, un cours vocal intégral »
Les premières leçons
Elles
se sont déroulées sans l’ombre d’un problème. Hervé s’est vite rendu
compte, comme beaucoup d’élèves avant lui, de l’état de tension qu’il
véhiculait dans sa vie de tous les jours. Tout d’abord, il m’avait dit
que les relaxations risquaient de lui enlever toute son énergie ! Ce
fut tout le contraire. Très rapidement, il y a pris goût, ainsi qu’au
massage qui suivait ! (*)
(*) Il me disait être tout neuf à la fin des cours, de se sentir beaucoup plus en forme !
Les bâillements sonores
Bientôt,
juste après la détente et le massage, je l’incitais à bâiller le plus
possible, tout en s’étirant. Hervé devait parfois « simuler », mais de
vrais bâillements ont très vite fait leur apparition ! Ensuite, j’ai
ajouté la notion de bâillements « sonores » ! (*)
(*) Il devait tout simplement rendre sonores – sans jamais les forcer - les expirations de chacun de ses bâillements !
J’ai
vite constaté que sa voix se libérait assez bien dans ces exercices
tout simples. Je ne cherchais là que la « vérité » d’un son venant d’un
corps qui s’abandonnait ! Hervé m’a assuré plusieurs fois se sentir
vraiment très bien à la fin de ces petites séries de bâillements. Je
lui ai conseillé de les pratiquer aussi chez lui dans la mesure du
possible. (*)
(*) J’avais conscience que ces « bâillements sonores », provoqués ou non, lui apportaient une très salutaire détente !
Le Taïchi
Il a consisté tout d’abord à travailler « consciemment » sa respiration abdominale.
Juste
après les relaxations et les séries de bâillements, il respirait déjà
plus calmement. Son corps s’ouvrait davantage et sa respiration était
plus profonde. Mais, invariablement, l’habitude reprenant le dessus,
elle s’étriquait de nouveau rapidement ! Notre travail a donc consisté
à l’amplifier tout en lui conservant son calme et sa profondeur. Pour
cela, j’ai employé un exercice basique qui lui a très bien réussi :
Je
lui demandais de souffler doucement, joues gonflées et lèvres
rapprochées comme pour siffler, en rentrant « consciemment » doucement
l’abdomen. Cette expiration était matérialisée par un léger bruit de
souffle <<< fff à la sortie des lèvres. Il devait ensuite « se
laisser aspirer » en provoquant un léger bruit « grave » en pensant Ah
>>>. (*)
(*)
Ce bruit, que j’appelle « grave » est provoqué par le passage de l’air
« aspiré » à travers la glotte. Il signe une bonne ouverture de gorge à
ce moment-là.
Au départ, nous ne faisions que de très courtes respirations. Elles ont été allongées progressivement.
L’essentiel
était qu’elles soient « parfaitement » réussies ! L’expiration
<<< fff doit durer approximativement deux fois plus longtemps
que l’aspiration Ah >>> qui suit (et qui ne doit – je me
répète - jamais être forcée) (*)
(*)
Pratiquement, si l’expiration se fait en six secondes, l’aspiration
doit se réaliser sensiblement en trois (ne pas vouloir la faire plus
rapidement).
Au fur et à mesure de
l’exercice, « ce va et vient respiratoire » <<<<<<
fff Ah >>> s’allonge pour réaliser bientôt une large
respiration profonde. (*)
(*)
L’expiration doit rester régulière en débit et en force. Lorsqu’on
allonge l’exercice, on doit souffler plus longtemps mais ni plus vite
ni plus fort ! Il peut arriver – c’est excessivement rare - que l’on
ressente parfois un petit symptôme vertigineux. Il suffit alors
d’arrêter quelques secondes pour récupérer complètement.
Préparation aux cris
Quand
l’exercice précédent a été parfaitement réussi, j’ai demandé à Hervé,
une fois l’inspiration réalisée avec le bruit « grave », d’émettre – en
conservant la position inspiratoire - un son très doux et très profond
sur « a ». A ce moment-là, le souffle est filtré au niveau de la
glotte. Je me répète encore : on ne doit absolument pas forcer ! (*)
(*) Le son produit s’apparente un peu à un râle !
La
phase suivante a consisté en des séries de cris contrôlés très doux,
réalisés en maintenant une relation pneumo-phonique parfaitement
équilibrée. (*)
(*)
Il m’est impossible de décrire ici la progression de ces exercices. La
façon de procéder pour mener à bien cette opération est très délicate.
Elle doit être contrôlée de façon permanente pour éviter le moindre
dérapage !
J’ai été étonné de voir avec
quelle facilité Hervé a compris et réalisé ce travail. C’était un
plaisir de l’entendre crier ainsi, de plus en plus fort, sans accuser
la plus petite fatigue vocale ! Il me disait que ces exercices lui
faisaient un bien fou. (*)
(*) En fait, tout en travaillant sa voix, il libérait une bonne partie de ses tensions !
Voir les billets : « La technique vocale fondamentale » et « Les fondamentaux de la technique vocale ».
Vocalisation simple, trois mois après…
Parallèlement
au travail décrit ci-dessus, nous consacrions maintenant un quart
d’heure, en fin de leçon, à une vocalisation simple. Il s’agissait pour
lui de retrouver, dans la meilleure statique verticale possible, les
bonnes sensations d’ouverture de gorge et d’Appui, si bien cernées en
position allongée. Au début, comme beaucoup, il a eu quelques
difficultés pour cela. Le « ressenti » vocal est très différent en
position verticale !
Voir, pour informations complémentaires, le billet :
« La technique vocale de base ».
Assez
vite cependant, il a pu chanter - sans aucun serrage de gorge et avec
un assez bon équilibre pneumo-phonique - des quintes en sons conjoints
très acceptables sur la voyelle « a » !
(*)
Notre ambitus de travail était modeste (do2/do3), l’essentiel n’était
pas la performance. Je visais seulement à obtenir et conserver, pendant
les exercices, un bon équilibre pneumo-phonique en évitant absolument
le plus petit serrage de gorge.
Le calme retrouvé
Un
autre facteur d’importance jouait maintenant en notre faveur : Hervé,
grâce aux relaxations, aux massages et au « Taïchi » était beaucoup
plus calme ! D’autre part, sa « guérison », qu’il voyait se profiler de
plus en plus nettement, contribuait aussi à le rasséréner et à lui
donner un moral d’acier. Il me dit un jour :
- Depuis quelque temps, j’ai beaucoup moins mal à l’estomac !
- Tu ne m’avais jamais parlé d’un mal à l’estomac !
- J’ai peut-être oublié de le faire !
- Sans doute. Tu avais mal souvent ?
- A la moindre contrariété, j’avais comme une brûlure au creux de l’estomac.
- Tu en avais parlé à ton médecin ?
- Oui, c’était nerveux, selon lui !
- Tu as été soigné pour ça ?
- Oui, mais sans grand résultat !
- Maintenant, ces douleurs ont diminué ?
- De beaucoup ! Je ne sens pratiquement plus rien !
Je lui dis en souriant :
- C’est que tu as un meilleur moral !
- Ça oui !
- Et surtout, que tu es beaucoup plus calme !
- Je n’en reviens pas !
- Tout se tient !
Un timbre plus grave dans une gorge plus libre
Il
était évident aussi que son timbre s’améliorait de plus en plus. Il en
était très conscient, d’où son moral au beau fixe ! Il me dit un jour,
avec un petit sourire :
- J’ai refait ce matin le message sur mon répondeur ! Il me semble mieux ! Voulez-vous l’écouter ?
- OK ! Je vais t’appeler !
A l’instant même, j’ai appelé son numéro avec mon
portable ! Effectivement, il n’y avait pas photo ! La voix enregistrée
était bien la sienne mais le timbre en était plus grave et beaucoup
plus affirmé ! Hervé souriait… (*)
(*) Un meilleur
état nerveux, la détente de la gorge, la respiration profonde correcte
et une meilleure maîtrise de l’Appui abdominal étaient responsables de
ce petit miracle ! Le test du répondeur était primordial pour Hervé ;
pour moi, il n’avait fait que mettre en exergue ce que je savais déjà !
En effet, depuis quelque temps, j’avais remarqué
qu’il parlait « spontanément » d’une voix plus libre et légèrement plus
grave. Je n’avais plus, en l’écoutant, la sensation d’un serrage
laryngé. La petite raucité que j’avais remarquée au tout début tendait,
elle aussi, à disparaître au profit d’un timbre plus présent. (*)
(*)
Notre travail intégral avait attaqué le problème d’Hervé sous tous les
angles à la fois ! Les premiers résultats tangibles étaient là !
Son propre ressenti
Pour l’auditeur, la voix d’Hervé n’était qu’un peu plus grave et plus libre.
En
revanche, pour lui qui le vivait de l’intérieur, ce petit changement
était énorme ! Plus calme, il sentait mieux ses résonances de poitrine.
Il parlait désormais avec « son corps » et en avait conscience ! Sa
voix, plus intégrée, lui appartenait enfin ! Le cercle vicieux était
rompu ! L’escalade du mieux était en route !
Maintenant, il osait se lancer, parlant souvent assez fort seulement pour s’amuser.
La vitesse supérieure
Le
temps était venu d’aller un peu plus loin… ne serait-ce que pour
assurer l’acquis ! La « vitesse supérieure » a consisté à corser notre
vocalisation pour fortifier au maximum sa voix désormais plus libre.
J’ai progressivement ajouté les principaux exercices vocaux que tout
chanteur doit avoir à son « répertoire » de travail journalier. (*)
(*)
Naturellement, comme dans toutes les rééducations, je les ai adaptés à
ses possibilités. Le but était simplement de tonifier sa voix. Aucun
autre challenge n’était au programme.
Voir ces exercices dans le billet : « Le cours de technique vocale type ».
Une fable et quelques chansons enfantines
J’ai
choisi de lui demander d’apprendre, en travail d’application, « Les
animaux malades de la peste », de La Fontaine. Cette fable, assez
longue, comporte des difficultés « complémentaires » très
intéressantes. Pour un futur avocat, c’était parfait. Nous l’avons
travaillée en détail, d’abord en lecture « recto tono » puis en
déclamation normale !
Ce travail a beaucoup
intéressé Hervé. Il pouvait désormais parler longtemps, avec une voix
qu’il aimait, en variant ses inflexions… sans se fatiguer !
Voir les billets : « Le bégaiement est-il guérissable ? » et « La rééducation de la voix parlée ».
Parallèlement,
pour compléter notre entraînement, je l’ai décidé à apprendre quelques
chansons enfantines. Nous les chantions sur play-back en fin de cours,
en nous amusant beaucoup !
Epilogue
L’histoire
d’Hervé se termine là ! Sa rééducation avait duré un peu moins d’un an
! Ce garçon si « chahuté » par une voix qui le dérangeait vraiment,
avait vu progressivement sa vie changer de couleur !
De grise, elle était devenue rose !
Il
m’a confié que sa confiance en lui était bien meilleure… dans tous les
domaines ! Sa nouvelle « virilité vocale » l’habitait maintenant tout
entier et lui donnait… des ailes !
Il était prêt à « avaler » le monde !
A bientôt ?
Pour consulter les archives des billets, c’est ici !

Jean Laforêt