Chronique du Vendredi 11 novembre 2011
Comment améliorer mon souffle ?
Guillaume B. (22 ans – étudiant en comédie musicale)
Bonsoir
monsieur. La semaine dernière, un de vos anciens élèves, Georges (x)
m’a communiqué les coordonnées de votre site. J’ai lu de nombreux
billets et, ce soir, je me décide à vous écrire. Je souhaite devenir
chanteur de comédie musicale, cela m’attire vraiment. Dans ce but, je
prends depuis deux ans des cours de théâtre, de danse et de chant. Tout
se passe bien en danse et en théâtre mais il n’en est pas de même en
chant. Je chante juste et ma voix semble assez résistante mais j’ai un
gros problème de souffle que je n’arrive pas à corriger. Cela m’étonne
car je suis très sportif (muscu, nata et footing). En sport, je n’ai
pas ce problème. Georges me conseille de vous rencontrer très vite pour
avoir votre avis. Je suis joignable au (x). Bien à vous. Guillaume
Ma réponse
Merci
Guillaume pour votre mail. Je l’ai lu avec beaucoup d’attention. J’ai
justement parlé avec votre ami Georges au téléphone, hier soir.
Peut-être vous l’a-t-il dit ? Pour sa part, il est convaincu que votre
problème est purement technique. Sans vous connaître, je suis assez de
son avis. Chez un chanteur, à moins d’un traumatisme important, la
dépense de souffle « vocal » - qui n’a rien à voir avec celle du
footing ou de la natation - dépend en grande partie de la qualité de la
technique qu’il emploie pour chanter ! Dans le chant, l’important est
de savoir distribuer son souffle correctement ! Je vous appellerai
demain pour que nous convenions d’un rendez-vous pour un bilan vocal !
Gardez l’espoir ! A votre âge, ces choses-là s’arrangent très bien !
Cordialement. Jean Laforêt
Bilan vocal de Guillaume
J’ai
reçu Guillaume la semaine suivante. C’est un garçon très grand : un
mètre quatre-vingt-cinq, me dira-t-il un peu plus tard. Il est doté
d’un très beau physique et son regard bleu est à la fois incisif et
souriant ! Tout dans son attitude indique la volonté et la
détermination ! Il rêve, comme de nombreux jeunes gens, d’une carrière
de soliste dans la comédie musicale ! Pour cela, il prend depuis deux
ans des cours de théâtre, de danse et de chant. Il me confirme que, non
seulement il n’a aucun problème en théâtre et en danse, mais qu’il est
même plutôt doué dans ces disciplines. C’est seulement en chant que se
situe son gros souci ! Il me redit avec force détails qu’il est obligé
de respirer sans arrêt et que, lorsqu’il doit danser en même temps,
cela devient tout à fait ingérable ! Or, tout le monde sait que la
danse et le chant sont intimement liés lors d’un spectacle de comédie
musicale… (*)
(*) Il m’a également confié qu’il terminait ses cours de chant souvent très fatigué vocalement.
Je
l’observais attentivement pendant qu’il me parlait. Le timbre de sa
voix était agréable et sa prononciation, tranchée, rapide et enjouée.
Une détermination sans faille, doublée d’un ardent désir de réussir se
dégageaient de son discours et de son attitude !
Après avoir parlé une dizaine de minutes, nous sommes passés aux tests vocaux.
Les tests
Ils ont été réalisés torse nu et ventre libre.
En
premier lieu, j’ai demandé à Guillaume de chanter « a cappella »
quelques lignes d’un morceau qu’il connaissait bien, sans rechercher
spécialement la difficulté. Il me proposa quelques phrases de « Kiss
Me, Kate ».
Je l’ai écouté une petite minute,
bien que les vingt premières secondes m’aient suffi à cerner son
problème. Malgré une voix de belle qualité, il était évident que son
manque de souffle (spectaculaire, en effet…) n’était que la conséquence
d’une façon de chanter tout à fait désastreuse ! De surcroît, il était
très nerveux, ce qui n’arrangeait rien ! (*)
(*)
Pour la « énième » fois, j’étais confronté à l’incompétence de
certaines personnes qui prétendent enseigner la technique vocale. Car,
enfin ! Ce garçon était doté d’une belle voix, prenait des cours de
chant depuis deux ans et n’en était pas moins « bourré » de défauts
techniques ! En chantant ainsi, il ne pourrait jamais prétendre à un
rôle de premier plan, alors qu’il en avait l’étoffe. En revanche, tôt
ou tard, un accident vocal serait fatalement au rendez-vous !
Je
comprends fort bien que les professeurs de chant puissent avoir des
niveaux de connaissance différents, être plus ou moins psychologues,
etc. Mais, prétendre enseigner la technique vocale sans en connaître
l’ABC touche tout simplement (à moins d’être totalement inconscient) à
la malhonnêteté !
Guillaume était une victime
de ce genre de personnages qui, non seulement sont incapables de vous
apprendre quoi que ce soit, mais sous la direction desquels on risque
de perdre définitivement sa voix ! (*)
(*)
Je suis bien placé pour savoir que cela est courant ! Ce garçon avait
eu, Dieu merci, beaucoup de chance d’être vocalement très résistant !
Après
son essai sur « Kiss me, Kate », j’ai répondu au regard interrogateur
qu’il me lançait seulement par un petit sourire… gardant mes premières
conclusions pour moi. Dans la foulée, nous avons testé sa voix sur
divers exercices : attaques, arpèges, tenues, etc.
Nous
avons parcouru un ambitus compris entre sib1 et sib3 en rencontrant les
problèmes habituels aux débutants : « i » et « é » très serrés et « â »
plus ou moins « cravatés » ! (*)
(*) Cravater signifie : « Chanter au niveau de la cravate… donc, appuyer sa voix en gorge ».
Le
deuxième passage était absent et la voix abordait l’aigu… comme elle le
pouvait ! Le souffle était thoracique-haut, la poitrine et les épaules
se soulevant à chaque inspiration !
L’émission vocale de ce garçon était entièrement à construire ! (*)
(*)
Au cours de cette vocalisation-test, je lui donnais (je procède
toujours ainsi) quelques conseils de base. Je constatais avec plaisir
qu’il rectifiait certains petits défauts sur le champ. Sa compréhension
n’était donc pas en cause ; on ne lui avait tout simplement rien appris
de valable. Les fondamentaux de la technique vocale étaient tous
absents ; en revanche, les pires absurdités semblaient avoir été
patiemment tolérées, voire encouragées !
Malgré
tout, la pâte vocale de Guillaume restait assez belle. Il était ténor,
sans aucun doute ! Heureusement, les « maltraitances » qu’il avait
subies depuis deux ans n’avaient pas encore réussi à altérer son
timbre. (*)
(*)
Les voix de ténor - très recherchées en comédie musicale - sont
relativement rares chez un garçon mince de 1,85 m ; elles sont plutôt
l’apanage de personnes plus petites et plus fortes ! Etre ténor, grand
et… beau était une chance pour Guillaume. Si l’on rajoutait une voix
solide et bien conduite à son remarquable physique et à ses talents de
danseur et de comédien, il deviendrait à coup sûr un concurrent sérieux
dans les castings à venir !
Tout cela était loin d’être acquis mais… possible !
Pour
mon compte - malgré la cascade de défauts à corriger - je ne doutais
pas de pouvoir lui redonner une émission correcte ! Sa motivation ne
faisait aucun doute ; mais, serait-elle suffisante pour qu’il accepte
de revoir son émission de A à Z ?
Décision de travail
Au
terme de ce bilan, j’ai prévenu Guillaume que, s’il désirait continuer
avec moi, il lui faudrait accomplir un travail de base très important !
En prenant soin de tempérer un peu mes «
déductions » pour ne pas le décourager tout à fait, je lui ai énuméré
ses principaux défauts vocaux sans lui cacher qu’ils étaient la
conséquence du travail déplorable qu’il avait accompli jusqu’alors ;
qu’en fait, toute sa technique restait à construire et que le manque de
souffle qui l’inquiétait tant ne représentait qu’un symptôme d’une «
mécanique vocale » totalement désorganisée !
J’ai
terminé mon « exposé » en lui assurant que sa voix, en elle-même,
n’était pas abîmée et qu’un travail « profond », reprenant
l’intégralité de son émission, pourrait mettre un terme à l’ensemble de
ses problèmes !
Guillaume a accueilli mes
conclusions mieux que je ne l’aurais imaginé ; il semblait comme
soulagé. Me regardant droit dans les yeux, il a ajouté :
- Je me doutais bien que j’étais sur une mauvaise voie.
- C’est le moins que l’on puisse dire !
- Vous pensez pouvoir me tirer de là ?
- Si tu me fais confiance, oui !
- J’ai toute confiance en vous.
- Donc, bientôt ta voix va renaître… ou plutôt, naître !
- Vous êtes sûr ?
- Oui. Elle n’est pas abîmée dans sa structure, tout peut encore s’arranger !
- Ce sera long ?
- Je ne peux rien te dire de précis mais seulement te promettre que nous ferons le plus vite possible.
- C’est-à-dire ?
- Si tout va bien, tu seras sans doute d’attaque dans six mois.
- Six mois ?
-
C’est un minimum ! Il faut savoir qu’il ne s’agit pas là d’une simple
question de compréhension ; installer de bons gestes vocaux implique
tout d’abord « se débarrasser » des mauvais ! Crois-moi, ils ont
souvent la vie dure !
- Concrètement, comment ferons-nous ?
- Nous devrons reprendre ton émission de A à Z : relaxation, taïchi vocal… et tout ce que comporte le cours intégral !
- Oui, j’en ai lu la progression !
-
Dans ton cas, une complète remise à plat de ton émission est vraiment
indispensable ! Penses-tu avoir la motivation pour cela ?
- Oui ! Je veux y arriver. Vous pensez vraiment que c’est possible ?
- J’en suis sûr ! Ton ressenti me semble parfait. Mais il y a autre chose !
- Quoi donc ?
- Il est impératif que tu arrêtes immédiatement les cours de chant que tu prends actuellement !
- Ce n’était pas la peine de le préciser…
Nous étions d’accord. Un premier rendez-vous, pour un cours de deux heures consécutives, fut pris pour la semaine suivante.
Voir le billet : « Le chant thérapie, un travail vocal intégral »
Les premiers cours
Guillaume
n’avait jamais pratiqué de relaxations. De surcroît, il était très
nerveux, très actif… donc très remuant ; de ce fait, les premières
séances de détentes furent excessivement laborieuses ! Nous n’arrivions
pas à atteindre le relâchement nécessaire à un travail efficace sur le
souffle. J’ai donc décidé – ce qui est très rare – de consacrer tout un
mois uniquement aux relaxations et au travail allongé qui suivait !
Guillaume, bien que très impatient de progresser vocalement, a fort
bien compris l’intérêt de cette décision. Cependant, j’ai cru bon de le
rassurer :
- Ne crois surtout pas que nous perdrons du temps, c’est tout le contraire… nous en gagnerons !
-
J’en suis persuadé ! Si c’est nécessaire, il faut le faire. Je me rends
bien compte que je suis dans un état de tension terrible. Je n’aurais
jamais pensé que c’était possible. Jusqu’alors, je n’en avais pas
conscience.
- Oui, tu es une vraie boule de
nerfs. Mais, rassures-toi. Dans quelque temps, lorsque nous atteindrons
un niveau de relâchement suffisant, ta respiration profonde se placera
presque d’elle-même et tout te semblera plus facile…
- J’ai l’impression que ça va déjà mieux… je suis super-bien à la fin des cours !
- Oui, c’est vrai, tu es plus calme… mais ce n’est pas encore suffisant !
Pour des précisions sur la relaxation, voir le billet : « La relaxation pour mieux chanter »
Le « Taïchi » vocal
Comme
je l’avais prévu, au bout d’un mois environ, le corps de « Guillaume le
Tendu » s’abandonnait enfin complètement. De ce fait, sa respiration
était devenue rapidement plus naturelle, plus ample et plus profonde,
facilitant un bon travail sur le souffle. Les exercices de Taïchi, «
hier » si ardus pour lui, étaient réalisés maintenant beaucoup plus
aisément.
Un pas important était franchi !
Après
cette victoire de taille, il fallait affirmer notre acquis. Le premier
exercice que j’ai employé pour cela est décrit dans le billet :
« Comment rendre ma voix plus performante »
Destiné
à la rééducation diaphragmatique, cet exercice, très simple
d’exécution, donne d’excellents résultats. Il permet notamment de
prendre conscience du relâchement réflexe de l’abdomen à l’inspiration.
Une fois parfaitement intégré, il doit naturellement être suivi de
gestes plus pointus destinés à contrôler très précisément le débit
expiratoire.
L’équilibre pneumo-phonique
Dans
les leçons qui ont suivi, tout en continuant les relaxations et le
Taïchi vocal, je me suis attaché à donner à Guillaume la meilleure
expiration « contrôlée » possible. Pour cela, je l’ai tout d’abord fait
travailler « sans la voix » en surveillant drastiquement sa respiration
« profonde » dans laquelle « l’ouverture dorsale » joue un rôle
prépondérant (*)
(*)
J’employais comme « outils » quelques exercices de yoga qui ont fait
leurs preuves. Nous les pratiquions tout d’abord en position « allongée
», puis « assise » et enfin « verticale » en soignant particulièrement
la statique.
Ces exercices sont expliqués en détail dans le billet :
« Je chante du nez »
Les cris contrôlés
Parallèlement
aux relaxations, au Taïchi vocal et à nos exercices d’expiration
contrôlée (que Guillaume réussissait maintenant presque parfaitement),
nous avons commencé les séries de « cris » au début du deuxième mois !
C’était
un « tournant » important qu’il fallait prendre avec précaution car je
craignais que ces cris réflexes ne l’incitent à retomber dans ses
défauts ! Or, il n’en fut heureusement rien ; en la circonstance, notre
travail en amont s’est révélé payant. Assez rapidement, mon chanteur
réussit à « crier » avec un équilibre pneumo-phonique relativement
correct ; les sonorités qu’il émettait l’ont tout d’abord surpris :
- C’est drôle, j’ai l’impression que ma voix vient d’ailleurs…
- Oui, en quelque sorte ! Elle te paraît à la fois plus libre et plus profonde ?
- C’est exactement ça ! Je pense que je pourrais ainsi donner des sons beaucoup plus forts !
-
Peut-être, mais ne cherchons pas la force ! Pour l’instant,
contentons-nous de réaliser des sonorités phonétiquement équilibrées.
- Ma gorge me semble plus libre… d’habitude je sentais le passage du son…
-
Bien sûr, tu chantais beaucoup de la gorge. Maintenant que ton corps
est plus « ouvert », ta voix s’appuie plus profondément… elle est moins
freinée…
- Freinée ?
- Oui… les tensions que tu entretenais agissaient comme de multiples petits freins sur le trajet du son.
- {…}
-
C’est un peu difficile à expliquer… et aussi à comprendre, mais c’est
la pure vérité ! Bientôt, tu « ressentiras » physiquement ce phénomène
et tu pourras le contrôler. Sentir sa voix libre dans un corps tonique
(mais sans blocages) est la condition « sine qua none » pour que
l’Appui (s’il est réalisé correctement) puisse contrôler le débit de
l’expiration…
- Bien maître ! dit-il avec un sourire…
- Oui, je sais… c’est un peu compliqué ; mais, rassure-toi, bientôt ton corps aura tout compris !
Voir des détails de ce travail dans les billets :
« La technique vocale fondamentale »
« Les fondamentaux de la technique vocale »
La vocalisation
Tout
en continuant le « taïchi » et les « cris contrôlés » au début de
chaque cours, nous l’avons abordée tranquillement. Guillaume était
maintenant plus calme et ne s’inquiétait pas lorsque de petits «
ratages » se glissaient dans ses exercices.
Au
tout début, je l’ai fait travailler exactement comme s’il n’avait
jamais chanté de sa vie, en corrigeant le moindre petit défaut
d’émission. Il fallait tout d’abord replacer son médium, en respectant
une statique parfaite et la respiration profonde que nous avions
acquise au prix de tant d’efforts !
Je
m’attendais à d’assez grosses difficultés, mais il n’en fut rien.
Guillaume réussit assez vite une vocalisation correcte sur « ô » dans
un ambitus raisonnable (si1 à fa3). Cette voyelle (couleur respectée et
correctement bâillée) permettait à sa gorge de s’ouvrir sans effort.
Comme je l’avais prévu, son excellent « ressenti » servait à 100% notre
progression.
Après « ô », je suis passé à « i »
et « é » ; l’objectif étant de les émettre – tout d’abord dans le
médium, puis dans le haut-médium - sans serrage.
Tous les renseignements sur ce travail sont donnés dans le billet :
« Je me casse la voix à chaque répète »
« L’équilibre vocal »
Enracinement profond des voyelles « i » et « é »…
La
solidité vocale de Guillaume m’a permis « d’insister », sans risque,
sur cet exercice primordial : l’enracinement « profond » des voyelles
fermées « i » et « é » ! (*)
(*)
Alors que certaines voix plus fragiles exigent pour cela d’infinies
précautions, je pouvais lui demander de faire plusieurs essais d’affilé
sans le fatiguer le moins du monde… De ce fait, nous avancions assez
vite… et (il faut le noter), il terminait ses cours sans la moindre
fatigue vocale !
En quelques leçons
seulement, il a réussi à émettre ses « i » et ses « é », très
solidement et sans aucun serrage, dans le médium et le haut-médium (fa3
compris).
L’enracinement « plus profond » de
ces voyelles (qui a suivi peu après) lui a permis de donner très vite
de beaux la3 et sib3. (*)
(*)
En effet, cet exercice d’enracinement profond, « mené dans les règles
», permet d’obtenir la quinte aiguë avec éclat et rondeur sur ces
voyelles fermées ! Il m’est malheureusement impossible d’expliquer ce
geste ici ; pour cela, l’exemple et le contrôle « sur l’instant » sont
impératifs !
« J’étais très étonné (et ravi) d’un résultat aussi rapide ! Guillaume était vraiment un garçon spécialement doué ! »
Note importante : « Réussir l’enracinement profond des voyelles « i » et « é » est techniquement primordial ! »
Voir certains détails de ce travail dans le billet :
« Comment rendre ma voix plus performante »
J’étais
surpris de nos résultats si rapides mais Guillaume l’était encore plus
que moi ! Sentir ses « i » et ses « é » sortir aussi bien, aussi fort,
et surtout… aussi haut le rendait fou de joie ! (*)
(*)
Il était évidemment encore exclu d’utiliser cette découverte technique
sur des morceaux ! Il s’agissait maintenant d’étendre ce bel
enracinement à d’autres voyelles…
Couverture dynamique de « â »
Au bout de quatre mois de cours, ses progrès étaient vraiment remarquables !
En
plus des « i » et « é » brillamment chantés jusque dans l’aigu, toutes
les sonorités (y compris « â ») étaient maintenant correctement
enracinées jusqu’au fa3 !
Cependant, il restait à réussir le plus difficile : le deuxième passage dynamique sur « â » !
Avec Guillaume, j’ai employé pour cela une stratégie un peu spéciale :
Comme
dit plus haut, sur des « i » et « é » bien enracinés, il atteignait
maintenant brillamment sib3 ! Je lui ai donc tout simplement demandé,
tout en affirmant les bonnes sensations physiques d’enracinement
profond qu’il avait sur ces sonorités fermées, d’en « moduler » la
couleur progressivement en « â » ! Je me suis surtout servi de « é »
comme voyelle directrice en employant des exercices très simples
(arpèges d’accords de quintes et d’accords parfaits mêlant
judicieusement ces voyelles). (*)
(*)
Notons que pour cette opération, notamment lorsque « â » se trouve au
sommet de l’exercice, une augmentation de « pression » du souffle est
indispensable, « â » occupant un espace plus important que « é » !
J’avais
vu juste ! En procédant ainsi, mon chanteur a réussi relativement vite
ces modulations ! Des « â » correctement « retournés » sur lab3 et la3
ont rapidement vu le jour ! (*)
(*)
J’entends par « retournés » le fait que cette voyelle, par ailleurs
parfaitement enracinée, avait accompli la couverture dynamique à la
suite des « é » ! Cette action réclame, on s’en doute, un parfait «
appoggio » (relation d’équilibre reliant l’Appui et la place vocale).
Il
faut préciser que cette façon de procéder peut ne pas être adaptée à
tous les cas. J’avais profité, en l’occurrence, de la parfaite maîtrise
de l’enracinement dont faisait preuve Guillaume sur les voyelles
fermées i/é !
En revanche, réaliser une
couverture dynamique correcte sur « â » – avec ou sans le secours des
voyelles fermées - est impératif pour tous les types de voix ! C’est la
condition « sine qua none » pour obtenir l’épanouissement de la quinte
aiguë sur cette voyelle « royale » !
Cette opération de couverture dynamique du deuxième passage constitue un gros problème pour beaucoup de chanteurs ! (*)
(*) En lire un bel exemple dans le billet consacré à Lucien J. :
« Une voix superbe paralysée par le trac »
La façon « classique » de procéder pour obtenir le deuxième passage de la voix pleine est expliquée dans les billets :
« La couverture de la voix : première partie »
« La couverture de la voix : deuxième partie »
Les billets ci-dessus traitent en profondeur de la couverture de « â » pour le premier et de « é » et « i » pour le second.
Rappel important :
Pour
Guillaume, les enracinements de « é », « i » et « â », réalisés avec
succès en amont, sur « le médium et le haut-médium » de sa voix,
avaient facilité grandement notre travail. Grâce à eux, la fameuse «
couverture dynamique du deuxième passage sur « â » avait été possible
en quelques leçons seulement et… « ouvert » sa quinte aiguë !
« Le cinquième mois de cours s’écoulait doucement ; notre challenge était en bonne voie. »
Les modulations (*)
(*) Une modulation consiste à chanter « legato » une suite de sonorités sur la même hauteur tonale.
Nous
les avons travaillées sur une grande partie de sa tessiture. Je les
avais naturellement déjà amorcées dans le médium mais l’intérêt est
surtout de les réussir sur la zone de passage et dans les premières
notes de la quinte aiguë. C’est un exercice incontournable qui permet
l’homogénéisation de la voix. Un chanteur capable de moduler au-dessus
de son deuxième passage a définitivement vaincu le serrage vocal ! Cela
ne fut pas simple avec Guillaume mais bientôt un résultat appréciable
s’est amorcé, puis rapidement concrétisé !
Les trois modulations suivantes ont été employées tour à tour :
« â é i ô u ou on an â » pour le bas-médium (si1 à do3)
« â é i ô u i » pour le haut-médium et les sons de transition (do3 à fa#3)
« i ou o (de Paul) â è » pour l’aigu (fa3 à la3)
Inutile d’aller plus haut… ce serait inutile et dangereux.
Ce travail est décrit dans les billets :
« Comment rendre ma voix plus performante »
« Le cours de technique vocale type »
Kiss Me, kate » de retour…
C’est
ce morceau (celui dont il avait chanté une partie comme test au bilan)
que Guillaume a choisi comme air de référence ! Nous l’avons travaillé
entièrement, phrase par phrase. Il le chantait – faut-il le préciser -
maintenant tout à fait différemment. (*)
(*)
Comme son nom l’indique, un air de « référence » est un morceau auquel
le chanteur peut se « référer » ! En le chantant (même en méforme) il
déclenche de nouveau les réflexes qui avaient servi à sa mise en place.
Si le travail en amont a été bon, l’interprète retrouve sans peine les
places vocales de son élaboration première !
Je ressens désormais beaucoup de joie et de fierté à entendre chanter Guillaume. Il vient de tellement loin…
Je ne voudrais pas « ressasser » mais :
« Comment avait-on pu laisser devenir un garçon comme lui, aussi doué vocalement, une nullité technique en deux ans ? »
Je crois avoir déjà donné la réponse dans les premiers paragraphes de ce billet…
Epilogue
Dans l’immédiat, nous continuons nos cours.
Bien
évidemment, notre travail devra être « poursuivi et entretenu » mais
Guillaume possède d’ores et déjà une structure vocale solide ! (*)
(*) Il serait désormais bien difficile à quiconque de lui raconter n’importe quoi sur la technique vocale !
Actuellement,
nous continuons à peaufiner les émissions plus légères : la voix de
fausset et la voix mixte appuyée dont il aura à se servir souvent. Son
niveau technique général nous facilite beaucoup l’étude de cette
dernière ! Je n’ai aucun souci…
Voir le billet : « La voix mixte appuyée »
J’ai bon espoir de voir bientôt mon chanteur sur une affiche intéressante… de préférence en premier rôle !
A bientôt ?
Pour consulter les archives des billets actu… c’est ici !

Jean Laforêt