Chronique du Dimanche 01 septembre 2012
Problème vocal complexe
Edwin O. (23 ans – chanteur débutant)
Bonjour,
C'est
avec beaucoup d'intérêt que je suis vos billets que je trouve très
complets et utiles. J'ai 23 ans et je vous contacte car je suis un
chanteur débutant, qui aimerait travailler sa voix afin de la
professionnaliser. Je suis une personne réservée et je le ressens
lorsque je chante : je suis tendu, ma gorge tire.
Malgré
plusieurs professeurs de chant, je ne parviens pas à me lâcher ni à
prendre confiance en mon éventuel potentiel de chanteur. Me
reconnaissant dans nombreux de vos billets, j'ose espérer pouvoir
réussir grâce à vous et un travail commun, à surmonter mes lacunes.
Dans l'espoir de vous rencontrer afin de pouvoir travailler ensemble, voici mon numéro de téléphone (x).
Cordialement,
Edwin O.
Ma réponse :
Bonsoir
Edwin. Je vous remercie de votre mail dont je viens de prendre
connaissance. Je vous appellerai demain sans faute pour que nous
prenions rendez-vous pour un bilan vocal.
Bien cordialement
Jean Laforêt
Bilan vocal
J’ai
reçu Edwin la semaine suivante. C’est un beau garçon, aux cheveux bruns
coupés ras. Très souriant et très ouvert, il m’a tout de suite été
sympathique… d’autant qu’il porte le même prénom que le personnage que
je jouais dans « Princesse Czardas » !
Il travaille dans la restauration où, malgré son jeune âge, il est responsable d’une équipe d’une quarantaine de personnes !
Il
m’a expliqué en détail que, bien qu’ayant consulté et pris des cours
avec plusieurs professeurs de chant, il n’arrivait pas à se « lâcher »
(c’est le mot qu’il a employé, comme dans son mail !) Il est tendu en
chantant et ressent une nette impression de résistance au niveau de la
nuque. Il m’assure n’avoir aucun manque de souffle et que sa voix ne se
« casse » pas vite ! Cependant, ses aigus sont difficiles alors que ses
graves lui paraissent normaux…
La voix de ténor semble l’attirer…
Il
s’est défini comme timide et traqueur. Son trac se manifeste par des
chaleurs et des sueurs. Dans ces moments, sa gorge est serrée et sèche,
il a parfois des trous de mémoire et rougit volontiers ! En revanche,
il ne pense pas être émotif, anxieux ou angoissé… bien qu’il avoue
avoir des douleurs récurrentes au niveau du plexus solaire !
Il
m’a révélé aussi qu’il se trouvait trop mince et que, de ce fait, il
lui était quasiment impossible de se montrer en maillot de bain. Il
fuyait les piscines !
Manifestement, il se
dévalorise car je pense que beaucoup de jeunes garçons seraient fiers
d’avoir son physique ! Ma devise se vérifie donc encore ici :
« Les choses ne valent que par l’idée que l’on s’en fait ! » (Jean Laforêt)
Pour
moi, il est certain que ce tableau révèle un indéfinissable mal être
que le beau sourire d’Edwin masque difficilement. Je ne lui pose aucune
question sur cet aspect important… laissant le temps au temps ! Je sens
que son désir de bien chanter est fort et je sais qu’une motivation de
ce type est susceptible de faire des miracles… Je sais aussi, par
expérience, que le chant bien émis constitue une merveilleuse thérapie
générale !
Les tests
Ils ont eu lieu torse nu et ventre libre.
Je
lui ai tout d’abord demandé de chanter a cappella quelques lignes d’une
chanson de son choix pour savoir quel était son geste vocal actuel.
Il
a chanté doucement, articulant peu… sa respiration était abdominale
mais les appuis absents. Le larynx montait énormément malgré un chant
relativement « médium » et, de ce fait, la gorge se serrait très vite
et beaucoup !
Les appels au loin :
Je
lui ai demandé ensuite de crier, comme pour prévenir une personne
située assez loin de lui d’un danger immédiat… Il a essayé mais ses
appels restaient en gorge et sonnaient mal ! Il criait vraiment
difficilement malgré une voix qui, à mon avis, bien que « bridée »,
paraissait exister !
En revanche quelques sons
sur « ô », dans le grave, ont révélé une très belle qualité vocale,
insoupçonnable dans son essai précédent !
Edwin était sans doute « basse » et possédait un très joli timbre !
La vocalisation :
Nous
avons parcouru avec divers exercices un ambitus situé approximativement
entre fa1 et ré3. Sur « ô », dès la2, j’ai constaté que, malgré mes
indications « correctives », le timbre quittait la place de résonance,
perdait ses qualités de voyelle fermée et devenait irrésistiblement o
(de Paul). Du fait – entre autres - de la montée du larynx, le « â »
s’éclaircissait également dangereusement dès cette même note (la2). Les
« i » et les « é » étaient naturellement très serrés, les « é » se
transformant très vite en « è » !
Bref, cette
voix était à « placer » entièrement. Cela promettait d’être « coton »
car j’étais certain que de nombreuses somatisations provenant d’un
problème purement psychologique freineraient notre travail !
« Les difficultés ne sont pas pour me déplaire… j’ai toujours aimé les challenges ! »
J’ai
détecté également un problème d’oreille qui, quoique discret en
apparence, était susceptible de jouer un rôle important dans son manque
d’assurance.
A la fin du bilan, nos tests
confirmèrent ma toute première impression : Edwin avait une voix de
basse. Peut-être serait-il « basse-chantante », mais sûrement pas le
ténor qu’il souhaitait devenir… même si le timbre, actuellement très
clair dans le médium par manque de résonance et d’appuis corrects,
pouvait laisser supposer une voix plus légère !
De
plus, j’étais maintenant tout à fait convaincu qu’un travail sérieux, à
la fois physiologique et psychologique, serait indispensable pour
placer correctement sa voix. Il était évident que ce jeune homme
véhiculait de nombreuses inhibitions ! Il fallait qu’il reprenne
confiance en lui…
Décision de travail
Après
avoir beaucoup commenté ensemble ce bilan, Edwin s’est décidé, sur mon
conseil, à entreprendre un « cours vocal intégral » ! Dans son cas,
c’était en effet la meilleure façon de travailler sa voix tout en
combattant une forme de stress qui ne le gênait sûrement pas seulement
dans son chant, mais également dans sa vie de tous les jours !
Voir le billet : « Le chant thérapie, un travail vocal intégral. »
Les premiers cours
Sa
coopération a été totale. Malgré sa timidité, au bout de quelques
cours, il a pu s’abandonner totalement en relaxation. Bien que n’ayant
jamais pratiqué cet exercice auparavant, il m’a dit très vite apprécier
beaucoup ce « relâchement » général ainsi que le massage et le taïchi
qui suivaient.
Les tensions importantes,
situées au plexus solaire et au niveau de la nuque et des trapèzes dont
il m’avait parlé, ont été suivies en priorité. Les massages les
faisaient régresser de façon sensible mais j’ai vite compris qu’elles
étaient surtout la résultante de facteurs psychologiques et ne
s’estomperaient que lentement, au fil des cours. (*)
(*)
A mon avis, les tiraillements qu’il ressentait dans la nuque étaient
dus à sa façon de chanter actuelle et disparaîtraient vite avec une
bonne technique d’émission. L’avenir proche nous le dirait ! La douleur
au plexus, en revanche, semblait être de tout autre nature.
Note :
En
taïchi, j’ai enseigné à Edwin – entre autres - un exercice spécifique
destiné à rééduquer son diaphragme tout en approfondissant sa
respiration abdominale réflexe. Ce mouvement, très simple d’exécution,
est expliqué en détail dans le billet :
« Comment rendre ma voix plus performante ».
La rétention du souffle
Nous l’avons travaillée en position allongée. Edwin n’en avait… qu’une très vague idée. (*)
(*)
L’exercice consiste tout simplement en des expirations très douces sur
« Pss » en débit constant et faible, de durées variables, suivies
d’inspirations abdominales réflexes et silencieuses, réalisées bouche
et gorge ouvertes. Il est intéressant, pour une même durée expiratoire
(x), de s’entraîner à « se laisser inspirer (**) » soit très vite soit
très lentement afin de dominer parfaitement le geste.
(**) L’inspiration doit être ressentie comme passive !
Edwin
est parvenu assez bien au bout de quelque temps à réaliser ces
enchaînements… pas spécialement faciles à réussir correctement.
Voir le billet : « Comment changer ma voix »
Petite vocalisation
Nos
premiers cours se terminaient par une vocalisation ultra-simple.
Essentiellement basée sur la voyelle « ô », destinée à mettre
progressivement en ordre le geste vocal ! Cette voyelle est
particulièrement utile à ce stade pour fixer la place de résonance tout
en positionnant assez bien le larynx. Parvenir, sans serrer la gorge, à
maintenir la couleur « fermée » de cette voyelle jusqu’aux environs du
haut-médium, apprend – entre autres - à « ouvrir » progressivement les
maxillaires. (*)
(*) Il va de soi que ce travail
sur « ô » n’est valable que si la gorge est correctement ouverte et
qu’un bâillement « réprimé » accompagne l’ascension de la voyelle ! Il
faut naturellement fuir un « ô » étriqué, chanté au prix d’un serrage
de gorge !
Edwin ne parvenait que très
difficilement à maintenir la couleur « ô » au-delà de la2, malgré un
souffle de « mieux en mieux » appuyé… et des explications complètes et
répétées sur l’ouverture de la gorge ! (*)
(*) Plus simplement expliqué, sa voix partait en arrière, quittant très tôt la place de résonance.
Sa motivation étant sans faille… j’étais certain que tout cela viendrait en son temps !
Progrès
Au
bout d’un mois, notre travail de fond a commencé à donner des fruits…
de sérieux progrès montraient le bout de leur nez. La respiration
réflexe mieux assurée et la statique très améliorée favorisaient un
meilleur appui général de la voix. Les « ô » notamment étaient
maintenant obtenus sur do3 (voire do#3). J’étais de plus en plus
convaincu qu’Edwin – attiré notamment par le Gospel - pourrait un jour
réaliser son rêve… bien chanter ! (*)
(*) Son timbre, beau de nature, s’affirmait de plus en plus, gagnant en profondeur et en puissance.
D’autre
part, les relaxations, les massages et notre travail de taïchi
commençaient à provoquer des bâillements de plus en plus fréquents,
longs et profonds. (*)
(*)
Les bâillements signent toujours une libération importante des tensions
internes ! Tout allait dans le bon sens. Edwin me disait terminer ses
cours en pleine forme, ses douleurs au plexus solaire et ses
tiraillements de nuque étant moins présents à ce moment-là !
La modulation a…é
Elle lui a permis de desserrer ses « é » !
Bien
que ce soit un exercice délicat à réaliser, je l’avais commencé tôt et
bien m’en avait pris ! Edwin réussit assez vite à le chanter
correctement. Cela a permis une avancée importante vers l’ouverture de
la gorge qui lui faisait tellement défaut !
Comment procéder :
La
bouche maintenue entrouverte (de la largeur de deux doigts environ), la
pointe de la langue détendue (lovée contre son filet), il s’agit de
chanter alternativement les deux voyelles sur la même note : â <<
é <<< â <<< é <<< â sans refermer la bouche
ni serrer la gorge ! (*)
(*)
Pour éviter, ou tout au moins « limiter » le serrage de gorge,
s’assurer que les piliers (pour simplifier : les amygdales) sont
souplement ouverts juste avant l’attaque. Le larynx se trouve ainsi
dans la bonne position de chant.
Nous pratiquions
cette modulation par demi-tons ascendants dans le bas-médium et le
médium (la1/la2 pour Edwin) dans un tempo assez lent. D’autres
exercices, supportés par ces mêmes voyelles, ont suivi.
Je me répète :
Cette
modulation doit se chanter dans une amorce de bâillement, tout en
conservant à l’ouverture buccale sa position de départ. Dans le
haut-médium, elle sera naturellement un peu plus accentuée que dans le
grave. Sur « é », le dos de la langue aura un mouvement d’ascension
qu’il ne faudra pas contrarier. A aucun moment, la langue ne doit se
raidir.
Des « ô » et des « â »
Un
autre exercice s’est révélé tout à fait intéressant. La succession de «
ô » et de « â » avec, comme support, des arpèges d’accords de quintes.
Comment procéder :
Exemple en do majeur : chanter AAôôA sur do/mi/sol/mi/do (le premier « ô » se trouve sur la dominante « sol »)
Avec Edwin, nous faisions cet exercice en descente de gamme, en partant de sol2 (sol si ré si sol/ fa#... etc.
Lui
qui n’arrivait pas – il y a peu de temps encore - à réaliser un « ô »
sur sib2 est parvenu progressivement à chanter des ré3 en bâillant
presque correctement cette voyelle. J’en étais très satisfait… ré3
étant approximativement sa note de passage.
De surcroît, de façon générale, son larynx s’assagissait et ne montait plus autant…
La gymnastique vocale
Au bout de deux mois, sa voix étant mieux posée, j’ai commencé à lui en enseigner progressivement tous les éléments.
Trois
cours ont suffi pour qu’il en saisisse les phases principales et les
mette en pratique. Il a pu ainsi, à l’aide des quintes syllabiques très
articulées qui la composent, « lancer » sa voix avec détermination et…
en toute sécurité. Des mib3 sur ô - non serrés - ont ainsi pu être
réussis d’une façon dynamique. (*)
(*)
Certains élèves sont très lents à assimiler ces mouvements de
gymnastique vocale qui réclament une synchronisation parfaite de
diverses fonctions souvent éloignées les unes des autres ! Dans ce
travail au service de la voix, la statique, les muscles du visage, la
sangle abdominale, les bras et la langue sont sollicités d’une façon
simultanée et dynamique !
Voir certaines précisions dans le billet : « L’articulation dans le chant »
Douleur au plexus solaire et tiraillements à la nuque
Après
trois mois seulement, Edwin m’a appris un jour que sa douleur
récurrente au plexus solaire et les tiraillements qu’il ressentait à la
nuque semblaient avoir disparu…
Je m’attendais à ces bonnes nouvelles mais j’ai été à la fois très heureux et… assez surpris qu’elles arrivent aussi tôt ! (*)
(*)
Elles indiquaient que notre travail portait ses fruits mais pouvaient
également n’être qu’un agréable répit… L’avenir nous donnerait la
réponse !
La couverture dynamique sur « â »
Elle
a été « approchée » une première fois à la fin du quatrième mois de
cours ! Etant donné les problèmes d’Edwin, cela tenait du miracle car
de nombreux chanteurs (sans avoir les mêmes difficultés générales que
lui) « butent » parfois longtemps là-dessus !
Ce
« miracle » est arrivé au cours d’un exercice banal de quintes
ascendantes sur « â ». Edwin, que les Dieux devaient soutenir à ce
moment-là, a parfaitement franchi son deuxième passage sans qu’aucun
serrage de gorge n’intervienne ! Il en a été le premier surpris. En
technique italienne, si elle est émise en bonne direction sur un « â »
(italien), la voix se colore d’elle-même en s’enracinant, sans qu’il
soit besoin d’y adjoindre un assombrissement quelconque ! Seule la «
pression » du souffle et l’ouverture de la gorge sont importantes.
« Notons aussi que la pression du souffle, exercée correctement, facilite aussi l’épanouissement de la gorge » (*)
(*)
Un chanteur plus expérimenté qu’Edwin aurait sans doute voulu améliorer
la chose… en essayant d’adjoindre à mes explications l’une ou l’autre
des « recettes » glanées par-ci par-là dans les cours de chant
précédents ! Lui ne s’est posé aucune question et a réussi presque
correctement la couverture de son deuxième passage, en suivant
simplement mes indications à la lettre !
Voir le billet : « Le bâillement technique du chanteur »
C’est
vraiment un grand moment pour l’élève et… aussi pour moi quand ce
mécanisme se réalise (même imparfaitement) pour la première fois. Le
chanteur sent très bien que quelque chose d’inhabituel vient de se
produire. L’effort et les tensions de sa gorge disparaissent et,
surtout, s’il est baryton, le fa3 qu’il vient de chanter lui semble
être un ré3 !
Dans la progression technique, ce
grand moment n’est pourtant qu’un début. Il faudra ensuite retrouver
cette « couverture dynamique » et la réussir de multiples façons !
Toutes les voyelles, avec leurs caractéristiques propres, devront
suivre le même chemin. La « messa di voce » puis des modulations
devront pouvoir être chantées sur toute la zone de transition (mi3/sol3
pour un ténor… (*)
(*)
En fait, on pourrait « presque » dire que c’est au moment où la
couverture dynamique du deuxième passage est réussie que tout commence !
Comme
je m’y attendais un peu, Edwin eut le plus grand mal à retrouver
pendant les cours suivants la « couverture » miraculeuse qui avait
justifié ce chapitre. J’avais déjà constaté cela avec plusieurs élèves.
Il y a toujours un temps de « un jour oui/un jour non » avant
d’acquérir définitivement le bon procédé. Attendons un peu…
L’arrêt du souffle
Les cours suivants ont été marqués par un fait important :
La bonne réalisation par Edwin de « l’arrêt du souffle abdominal », juste avant une attaque.
Je
lui en avais bien évidemment expliqué plusieurs fois le principe mais,
aujourd’hui, le « ratage » de plusieurs attaques sur « â » dans le
haut-médium, m’a fourni l’occasion de lui repréciser en détail cette
action si importante !
« A savoir que la
suspension du souffle précédant l’attaque (mise en place de la colonne
d’air) doit être « l’aboutissement » d’une mise en pression de celui-ci
- plus ou moins importante selon la note à atteindre. »
Cela
est primordial et ne signifie en aucun cas un blocage « fermé » réalisé
en contractant ses abdominaux… mais au contraire une ouverture «
conservée » des basses-côtes en fin d’inspiration ! (*)
(*)
En fait, à l’attaque du son et pendant l’exercice qui suit (quel qu’il
soit), on doit avoir l’impression de continuer à se dilater!
Voir les billets : « L’attaque du son » et, pour des explications plus détaillées sur la mise en pression du souffle abdominal avant l’attaque :
« Comment rendre ma voix plus performante »
Edwin à la piscine
Tout arrive ! Edwin m’a dit un jour en arrivant :
- Il faut que je te dise quelque chose…
- Oui ?
- Je suis allé à la piscine avec ma copine…
- Super, cela fait beaucoup de bien…
- Tu ne te souviens pas que j’avais horreur de me montrer en maillot de bain ?
- Ah oui ! Je n’y pensais plus ! Alors, tu as franchi le pas ?
- Oui, mais c’était le soir et il y avait peu de monde…
- Magnifique… c’est un beau début. Il faudra remettre ça en période d’affluence ?
- …
Voix de fausset
Ce
travail-là a permis à Edwin d’améliorer son oreille tout en faisant
connaissance de ce « lieu » pratiquement inconnu de lui. Au tout début,
il n’arrivait même pas à émettre un « i » ou un « â » (juste ou non) en
fausset. Il ne « trouvait » pas cette voix-là ! Cependant, petit à
petit, après exemple et explications diverses et variées, il est
parvenu – en quelques cours - à chanter ces voyelles sur des arpèges
d’accords de quintes et d’accords parfaits dans un ambitus intéressant
(approximativement : la2/do4). (*)
(*) Le travail de la voix de fausset a un grand intérêt à mon avis.
En premier lieu, il permet tout simplement de la découvrir… et de s’en servir le cas échéant !
En
deuxième lieu, le geste vocal employé étant strictement le même que
pour la voix pleine (seule la pression du souffle est différente), il
permet de travailler ce geste sans risque de se faire mal…
En
troisième lieu, j’ai constaté depuis longtemps que « chanter juste » en
voix de fausset (donc, sur des fréquences élevées) améliorait la
justesse de la voix pleine.
Voix mixte
Parallèlement
à notre travail sur la voix de fausset, nous avons recherché une autre
émission, également inconnue de mon chanteur, la voix mixte.
Cette
façon d’émettre - qui n’est pas du fausset - et permet à la voix de
monter très haut avec un appui et un certain « corps » n’est pas
toujours facile à découvrir pour un débutant. C’est cette émission-là
qui, correctement exécutée, donnera par la suite naissance à la voix
communément appelée « mixte appuyée » !
Ce
jour-là, nous n’avons pu qu’en esquisser le schéma ! Néanmoins, les
sons qu’Edwin a réussi à émettre dans l’aigu – difficilement, il faut
bien le dire - étaient bien en voix mixte, c’est une certitude ! Il
faudra désormais la travailler patiemment… pour « l’appuyer »
progressivement plus. (*)
(*)
Edwin m’a appris peu après que, lorsqu’il fredonnait une chanson très
aiguë, il avait l’impression de sortir des sons de cette nature, sans
pouvoir les manier facilement…
La
vocalisation en voix mixte fait désormais partie de notre programme de
travail hebdomadaire. Certains chanteurs ont beaucoup de difficultés
avec elle et certains ne parviennent pas du tout à la découvrir !
Donc, cette possibilité, incontestable chez lui, était une chance à saisir !
Comme
dit plus haut, avec certaines dispositions et beaucoup de travail,
cette émission est susceptible de devenir plus tard une « voix mixte
appuyée » (voix relativement puissante), employée par de nombreux
chanteurs d’opéra et quelques rockers célèbres !
Voir le billet : « La voix mixte appuyée »
Voix pleine et ballon souple
La
bonne exécution du deuxième passage en voix pleine nécessite, en plus
d’une ouverture de gorge correcte, un très bon appui abdominal, souple
et constant. Je me répète sans cesse : un bon appui ne signifie jamais
une contraction intempestive des abdominaux !
Depuis
quelque temps déjà, Edwin abordait assez bien son deuxième passage.
Pour le faciliter, en contrôlant plus efficacement encore l’action de
l’appui abdominal, j’ai imaginé pour lui un petit exercice… (*)
(*) Un ballon souple, de la taille d’un gros pamplemousse est nécessaire pour cette opération.
Pratique :
Après
avoir pris une respiration abdominale (sans la bloquer) appliquer,
souffle gardé, ce ballon au creux de l’estomac de façon que, repoussant
un peu celui-ci vers l’intérieur, il « rentre » légèrement. (*)
(*)
Je me répète, car c’est primordial : au moment d’appliquer le ballon,
le souffle abdominal doit être pris sans être « bloqué » (les muscles
abdominaux doivent être relâchés) de façon à ce qu’il puisse pénétrer
un peu.
L’exercice consiste ensuite, en bonne
statique, à chanter un arpège quelconque, sur « â » de préférence (on
peut se servir, le cas échéant, d’une voyelle qui serait plus
favorable) en maintenant le ballon ainsi appliqué.
Si
l’exercice est bien fait, le ballon sera repoussé vers l’extérieur
pendant le chant (dès l’attaque et pendant toute la durée de l’arpège),
jusqu’à la prochaine inspiration abdominale réflexe qui provoquera, par
dépression, une légère « rentrée » du ballon.
Ce
moyen est très simple et très efficace pour contrôler l’action d’un
appui abdominal souple. De cette façon, il devient « palpable » !
Il faudra naturellement s’entraîner ensuite à réussir à chanter sans cette béquille…
Mais, le corps a une mémoire. Au bout de quelque temps, il aura compris !
S’amuser en articulant des phrases difficiles
Tout
en continuant notre programme général, j’ai appris à Edwin quelques
exercices amusants destinés à prendre conscience et à fortifier sa
musculature labiale. Ce travail, complétant celui de la gymnastique
vocale, est très profitable au chanteur, tout comme au comédien…
Pratique :
Il consiste, sur un support musical, à articuler diverses phrases difficiles à prononcer (allitérations, etc.)
Voir des applications pratiques dans le billet : « Le bégaiement est-il guérissable ? »
Attaques sur le voisement des consonnes
Qu’est-ce que le voisement de la consonne ?
On
pourrait dire, pour faire simple, qu’il s’agit de « la voix de la
consonne… » Elles en ont peu (de voix), c’est un fait certain ! Il est
facilement perçu avec « s » : il s’agit du petit sifflement qui précède
chaque mot commençant par « s » : (ss) sommet, (ss) sonnette, etc.
En fait, en règle générale, c’est le petit bruit qui précède l’émission de chaque consonne… (*)
(*) Certaines, comme « p » ou « k » n’en produisent aucun !
Contrairement
à l’exercice précédent dont l’utilité est plus générale, l’attaque, en
se servant du voisement des consonnes, est réservée aux chanteurs
classiques. (*)
(*)
A l’attaque, un mot doit être parfaitement compris sans pour cela «
enfermer » la voyelle dans la forme de la consonne qui la précède !
Dans
le chant lyrique, les voyelles doivent pouvoir s’épanouir librement.
Par exemple, sur une attaque, le « b » du mot « bas » ne doit servir
qu’à la compréhension du mot, la voyelle « â » qui suit doit pouvoir «
chanter » le plus librement possible !
L’attaque sur le voisement des consonnes est expliquée dans le billet :
« L’attaque du son »
Bien
qu’il ne soit pas d’une actualité urgente, j’avais commencé assez tôt
ce travail d’attaque avec Edwin afin qu’il fasse son œuvre tout
doucement !
Le problème d’oreille
Depuis
le début de nos leçons, à chaque cours, nous faisons des
reconnaissances de notes et de petits motifs musicaux simples que je
joue au piano et qu’il doit répéter ensuite après un petit laps de
temps. Edwin a beaucoup progressé grâce à ce travail. Maintenant, il ne
fait que de rares erreurs et retient des motifs de plus en plus longs
et difficiles. Très souvent, je peux lui dire :
- Zéro faute !
Son bon sourire me répond qu’il est content !
Une première chanson
J’ai
choisi de lui demander d’apprendre tout d’abord une chanson que j’aime
beaucoup : « La ville s’endormait… » qui figure dans le dernier album
de Jacques Brel.
Au cours suivant, Edwin, micro
en main, l’a chantée plusieurs fois. Je dois avouer que j’ai été très
agréablement surpris du résultat ! Je m’attendais à ce qu’il soit
intéressant mais il a dépassé de loin mes espérances !
Cette
chanson demande que la sensibilité de l’interprète s’exprime avec une
grande simplicité. Une excellente articulation, au service d’une
interprétation calme et profonde, est indispensable ici. Tout cela fut
rendu au mieux. J’avais insisté pour que, tout en se gardant d’imiter
Brel, il conserve la même ambiance à la chanson que son illustre ainé.
Rien à dire non plus là-dessus ! Il gomma instantanément le peu
d’inflexion douteuse que j’avais relevé !
Edwin, pour un premier essai a réussi un coup de maître ! Il est artiste dans l’âme, c’est certain ! (*)
(*) On ne devient pas artiste… on l’est ou on ne l’est pas ! Aucun exercice ne permet de travailler cela !
Nous
avons décidé de mettre à notre programme, dans un premier temps,
plusieurs belles chansons du grand Jacques ! Elles conviennent
parfaitement à sa voix et à sa sensibilité !
Pourtant, chacun sait que rien n’est facile dans Brel !
A bientôt ?
Pour consulter les archives des billets actu, c’est ici !

Jean Laforêt