Chronique du Lundi 22 décembre 2014
Une fatigue vocale récurrente
Julien M. (28 ans – informaticien)
Monsieur,
Je
suis envoyé par un ami, Vincent P., l’un de vos élèves. Bien que non
chanteur (je suis informaticien), je me permets de prendre contact afin
d’avoir un conseil d’ordre vocal. En deux mots, je suis très enroué la
plupart du temps, sans forcer ma voix ou être malade (rhumes ou maux de
gorge, etc.) J’ai vu plusieurs ORL qui m’ont prescrit, entre autres,
des séances d’orthophonie. Cependant, rien ne paraît expliquer ni
guérir vraiment cette fragilité. J’ai pensé qu’un travail
spécifiquement vocal pourrait peut-être m’aider. J’aimerais faire un
bilan avec vous. Vous pouvez me joindre ou laisser un message au (x).
Bien à vous
Julien
Ma réponse :
Julien,
Merci
de votre mail dont je viens de prendre connaissance. Un enrouement
récurrent comme le vôtre, sans raison bien définie, peut avoir de
multiples causes. Rassurez-vous cependant, vos consultations auprès de
spécialistes écartent a priori un problème médical, reflux
gastro-œsophagien notamment, qui pourrait expliquer en partie les
symptômes que vous décrivez.
Il
devrait donc s’agir d’un souci touchant le geste vocal (la façon
d’utiliser votre voix). Je vous appellerai demain pour que nous
convenions d’un rendez-vous afin de faire des tests et parler posément
de tout cela.
A très bientôt
Jean Laforêt www.jean-laforet.fr
Bilan vocal de Julien
J’ai
reçu Julien quinze jours environ après cet échange de mails. C’est un
garçon de 28 ans, de grande taille (1,88 m, me dira-t-il par la suite),
calme d’aspect. Son bon sourire et son regard franc me l’ont rendu tout
de suite sympathique. Aussitôt installé pour la petite conversation qui
précède les tests, il m’a fait part en détail, dans un discours rapide
et « haché », de son souci d’enrouement quasi permanent. Je l’ai écouté
très attentivement afin de me faire une première idée de la façon dont
il employait sa voix. Celle-ci était rauque, confidentielle, et restait
comme emprisonnée dans la gorge. Elle ne bénéficiait aucunement des
résonances du masque. De plus, Julien « raclait » très souvent sa
gorge, comme pour évacuer une mucosité récalcitrante ! Il respirait
vite et assez haut, soulevant sa poitrine à chaque inspiration.
- Tu as ce problème d’enrouement depuis longtemps ?
-
Oui assez, mais je m’inquiète car cela semble empirer. C’est mon ami
Vincent, que vous connaissez, qui m’a conseillé de venir vous en
parler.
- En tout cas, on peut considérer que rien, médicalement parlant, n’est responsable de ton état ?
- Apparemment non.
- Les spécialistes que tu as consultés auraient fatalement détecté un ennui de cette sorte…
- Oui, je pense.
-
En revanche, en t’écoutant et te voyant parler, je constate que
plusieurs choses pourraient être améliorées dans ta façon d’utiliser ta
voix.
- Oui ?
-
Certainement ! les tests que nous ferons dans un moment nous en
apprendrons davantage mais mon petit doigt me dit qu’un sérieux espoir
d’amélioration existe…
- Vous êtes sûr ?
-
Je fais souvent confiance à mon petit doigt ! Mais je pense, si nous
décidons de travailler ensemble, qu’il faudra peut-être te montrer
patient. Je ne possède pas de baguette magique…
- Ce n’est pas un problème.
- Faisons maintenant quelques tests.
- OK !
Les tests vocaux
Ils eurent lieu torse nu et ventre libre.
J’ai
tout d’abord demandé à Julien de me dire un texte quelconque, à haute
voix. La fable : « Le corbeau et le renard », qu’il savait presque par
cœur, fit l’affaire.
Cette lecture à haute voix
confirma au centuple ma première impression : son geste vocal était «
vraiment » très perturbé ! A chaque prise d’air, son torse se soulevait
d’un bloc, par à-coups. Le discours était rapide, réalisé d’une façon
heurtée, la bouche s’ouvrant à peine. De plus, il a raclé sa gorge à
plusieurs reprises pendant ce test, ce qui signe souvent, en dehors de
pathologies connues (reflux gastro-œsophagien par exemple), un problème
d’ordre psychologique.
Julien parlait dans la barbe qu’il n’avait pas ! (*)
(*) Peinant énormément pour prononcer clairement ses phrases, il donnait un peu l’impression de s’asphyxier.
Il me dit lorsqu’il eut terminé :
- Quand je parle fort, on dirait que je suis dans une armure qui me serre de partout !
- Oui, je comprends.
Quelques
élèves avaient déjà évoqué l’exemple d’une armure, les serrant à
certains moments (de trac, notamment…). Ce ressenti, tout comme le
raclement de gorge à répétition, a « presque » toujours une connotation
psychologique ; mais, en principe, l’impact négatif sur la voix parlée
est beaucoup moindre.
Julien détenait une sorte de pompon !
J’ai
aussi pensé que son métier d’informaticien, ne l’obligeant pas à parler
beaucoup, favorisait sans doute l’installation d’une paresse vocale, ce
qui n’arrangeait rien…
Plusieurs difficultés semblaient imbriquées…
- Dans ton métier ou avec des amis, es-tu amené à parler avec une certaine force ?
- Non, jamais… je ne peux pas ! Au contraire, je me tiens le plus en retrait possible de ce côté-là !
- Je comprends. Dans un tout autre domaine, pratiques-tu un sport ?
- Oui, je vais deux fois par semaine dans une salle de musculation.
- Pas de footing ou de natation ?
- Très peu. Je fais un peu de randonnée pendant les vacances et je me baigne… mais c’est bien tout !
- Et le basket ? avec ta taille, ce serait super !
- Non, je n’aime pas les sports collectifs… je suis un peu ours…
- D’accord ! Pour revenir au quotidien, est-ce que ton problème d’enrouement te stresse vraiment beaucoup ?
- Oui, vraiment beaucoup ! c’est pourquoi je suis là ! j’ai souvent mal à l’estomac et au ventre à cause de ça !
- A ce point ?
- Oui !
- Ok ! testons maintenant un peu ta voix chantée !
- Mais, je ne sais pas chanter…
- Pas grave !
Les tests vocaux
Ils
révélèrent tout d’abord que Julien avait une oreille médiocre… mais «
possible ». Il était seulement très incertain dans les répétitions de
notes que je lui jouais au piano.
Côté purement
vocal, nous avons parcouru, sur des supports de quintes, un ambitus
couvrant approximativement une octave et demie avec différentes
voyelles. Je n’ai cherché à rectifier – comme je le fais habituellement
– aucun des défauts que je voyais défiler pendant ces essais
(respiration, justesse ou autres…). Il en aurait été bien incapable. (*)
(*)
Je savais déjà, toujours dans l’éventualité où nous travaillerions
ensemble, que de nombreuses séances devraient être consacrées aux
relaxations et au taïchi vocal. Son corps était pour l’instant trop «
rigide » pour répondre à toute sollicitation !
Décision de travail
Après
nos tests, j’ai expliqué franchement à Julien ce que je pensais de son
bilan, sans rien omettre de la complexité de son problème, mais aussi
en mettant en exergue le réel espoir de « guérison » que je subodorais.
Après m’avoir écouté très attentivement, il me confirma sur–le-champ son désir de « tenter l’aventure » avec moi.
Nous
avons finalement opté pour un travail intégral. Il avait aussitôt
compris que seule cette solution « complète », dont il avait pris
connaissance dans les billets, était susceptible de l’aider
efficacement.
En effet, dans son cas, une
simple vocalisation, même très pointue, aurait risqué de n’être qu’une
perte de temps. Chez lui, il était vraiment indispensable de « tout »
reprendre de A à Z ! Son souci vocal était la conséquence de plusieurs
facteurs, tant physiques que psychologiques.
Voir le billet : « Le chant thérapie, un travail vocal intégral »
Mon
tout premier objectif serait de le détendre au maximum afin qu’il
profite le plus possible des exercices respiratoires de base,
introduits par le taïchi. Tout cela n’était pas gagné d’avance mais,
pour mon compte, j’avais la ferme conviction de pouvoir obtenir de bons
résultats. Jusqu’où ? je l’ignorais mais certainement assez loin pour
lui ôter une bonne dose de stress et d’angoisse.
Avant
qu’il ne s’en aille, je lui ai donné quelques « tuyaux » pour l’aider à
« soigner sa voix » de façon naturelle en attendant nos progrès
techniques. Je lui ai notamment parlé de l’Arnica et, bien sûr, de la
tisane d’Erysimum qui m’avait si bien réussi jadis ! Ces petits
conseils – et bien d’autres – figurent en détail dans le billet :
« L’hygiène vocale »
Julien me quitta ce jour-là avec un moral très en hausse !
Les premiers cours
La semaine suivante, plein d’espoir, il arriva même un peu avant l’heure prévue pour son cours. C’était un excellent signe !
Comme
beaucoup d’élèves avant lui, il n’avait jamais fait de relaxation. Je
dois dire que cette première fut un succès ! Il me dit, juste après,
que cette détente lui avait été très agréable. De mon côté, j’avais
constaté avec plaisir que, pendant cet exercice, sa respiration s’était
progressivement calmée et approfondie… (*)
(*)
En fait, le résultat obtenu s’était révélé bien meilleur que prévu… les
blocages que j’avais constatés au bilan m’ayant préparé au pire ! Tant
mieux, cela faciliterait grandement notre tâche !
Après
cette détente réussie, sans perdre une seconde, j’ai commencé les
premiers exercices respiratoires de taïchi destinés à exercer «
consciemment » sa respiration abdominale.
Tout
d’abord, je lui ai demandé de mettre la main gauche sur sa poitrine et
la main droite sur son ventre, afin de contrôler « tactilement » le
mouvement de celui-ci. Cette petite préparation faite, le tout premier
exercice a seulement consisté à faire mouvoir volontairement son
abdomen en accompagnant sa respiration, un peu comme un « soufflet de
forge » que l’on manierait doucement…
Pratique :
Le corps détendu est allongé sur le dos, jambes repliées pour compenser l’ensellure lombaire.
1)
La main gauche restant en place sur la poitrine (au niveau du sternum),
souffler quelques secondes par la bouche, lèvres rapprochées : fff
<<< (*)
(*)
Pendant cette expiration, la main droite descend, accompagnant
l’abdomen qui rentre légèrement ; la main gauche reste en place (le
sternum – quoique restant souple - ne doit pas bouger).
2)
L’inspiration consiste, après un court arrêt en fin d’expiration, à
laisser entrer l’air, bouche entr’ouverte en relâchant le ventre. (*)
(*) Le simple fait de libérer la petite tension provoquée par l’expiration doit suffire à amorcer cette inspiration « réflexe ».
Ces
mouvements respiratoires simples étant réussis de façon répétitive, on
peut en ralentir progressivement le « tempo » puis, dans un deuxième
temps, le faire varier. (*)
(*) Par exemple, on peut enchaîner des expirations lentes avec des inspirations rapides et inversement…
« Cela paraîtra d’une facilité déconcertante à certains mais soyez sûrs que c’est loin d’être le cas pour tous ! »
Pour
Julien, cet exercice a fait figure de révélation. Jusqu’à aujourd’hui,
il n’avait aucune idée du rôle que pouvait jouer son diaphragme dans la
fonction respiratoire. (*)
(*)
Bien évidemment, quand tout va bien, une personne qui ne chante pas n’a
aucune raison de se préoccuper de son diaphragme mais, pour Julien,
intégrer consciemment cette fonction était indispensable !
Un taïchi de plus en plus précis
Très
vite, Julien s’était approprié parfaitement l’exercice du « soufflet de
forge » décrit plus haut. Je l’avais évidemment compliqué
progressivement au fil des cours - selon ses progrès - de façon à lui
faire prendre conscience (en plus du simple aspect général de «
soufflerie »), des premières notions de l’appui dynamique qui allait
maintenant prendre de plus en plus d’importance dans notre progression
immédiate !
Ce travail est décrit dans le billet :
« Les notes aiguës, mon problème »
L’accord pneumo-phonique
Parallèlement
aux relaxations et au taïchi qui étaient continués, notre programme
s’était corsé d’une première approche sur l’accord pneumo-phonique
(mise en relation coordonnée du souffle et de la voix).
C’était la suite logique de notre progression… (*)
(*)
Maintenant que Julien savait assez habilement régler le débit de son
souffle, c’était le moment de mettre ce geste d’appui dynamique en
relation avec sa voix.
Je savais que ce
moment serait important pour lui… et je ne m’étais pas trompé ! Aussi,
j’avais pris une précaution toute simple afin de « sécuriser » le plus
possible l’événement ! Le changement opéré était minime mais se révéla
commode :
Au lieu de me servir de la voyelle « â
», comme je le fais habituellement pour amorcer ce geste, je lui ai
demandé de produire un « Bzz » en son lieu et place :
Dans ses exercices habituels de taïchi, il « soufflait » avec Pss <<< pour régler le débit de son souffle…
Trois
lettres dans les deux cas mais la différence est tout de même de taille
: Bzz véhicule un son alors que Pss ne transporte que du vent sous
pression !
Il me dit en souriant :
- Je fais comme un moustique ?
- Exactement, imite le moustique, ta gorge piquera peut-être un peu mais ne t’en inquiète pas.
Tout
fonctionna assez bien dès le premier essai et, comme il avait désormais
une idée assez précise de la « régulation du débit de son souffle »,
j’ai même pu lui demander de faire varier la puissance d’émission du
Bzz en produisant de légers crescendos et decrescendos :
Bzz <<<<< >>>>> <<<<< >>>>> !
Nous
avons également « chanté » ce jour-là de toutes petites sirènes (pas
toujours très justes, mais qu’importe) avec le même Bzz !
« Pour la première fois de sa vie, Julien émettait un son (car c’en était bien un) avec un appui abdominal presque correct »
Les « cris »
Très rapidement, en taïchi, les « â » ont succédé aux « Bzz ».
Je
n’ai pas rencontré de grandes difficultés pour cela. Il faut dire que,
pour ne pas l’effaroucher, je procédais très doucement. Au début, les
sons obtenus sur « â » ressemblaient un peu à des râles mais
qu’importe… ils « s’appuyaient » là où il fallait. C’était l’essentiel
!
Pendant nos exercices, je lui demandais très souvent des nouvelles de sa gorge…
- Est-ce que ta gorge pique ?
- Non, pas du tout ! mais les « â » me font une drôle d’impression.
- Laquelle ?
- On dirait qu’ils ne m’appartiennent pas !
-
Oui, je vois ! Rassure-toi ! Au contraire, ils sont exactement émis de
la bonne manière. Seulement, tu n’as pas l’habitude de sentir ta voix
ainsi, comme séparée de ta gorge. Ton impression bizarre vient de là.
- On doit parler comme ça ?
- Tout à fait. Bientôt cela te semblera naturel… et tu parleras de plus en plus facilement.
Presque
dans la foulée, j’ai repris avec cette voyelle « â » les exercices que
nous faisions avec « Bzz » : à savoir de courtes sirènes (au maximum
sur un ambitus de quinte) et quelques brèves tenues. Pour mon plus
grand plaisir, Julien réussit en prime quelques sons « lancés » que
l’on peut qualifier de « forts », sans que sa gorge ne souffre le moins
du monde !
Ce travail est expliqué dans les billets :
« La technique vocale fondamentale »
« Les fondamentaux de la technique vocale »
Articulation en position allongée
Les
exercices de « cris » s’intégraient de plus en plus. Il était évident
que sa voix se tonifiait : les tenues et sirènes devenaient plus
puissantes sans le fatiguer vocalement.
Chaque cours nous offrait une dose d’intéressants progrès !
Pour
profiter de cette embellie, j’ai entrepris de lui faire énumérer à
haute voix des listes de chiffres et prononcer des phases diverses en
surveillant d’une façon drastique les réactivations diaphragmatiques
intervenant à chaque ponctuation…
Ce travail est notamment expliqué dans le billet :
« Ma voix se fatigue très vite ».
Début de vocalisation
Elle a été simplifiée au maximum !
A
chaque leçon, juste avant de l’entreprendre, et afin de mettre toutes
les chances de notre côté, je faisais répéter à Julien, lorsqu’il était
bien relaxé, quelques notes faciles et de courts extraits musicaux que
je jouais au piano. (*)
(*)
Avec ces petits exercices, dans lesquels je cherchais seulement le bon
repérage des sons, il fit vite d’appréciables progrès d’écoute.
La
vocalisation qui suivait était constituée essentiellement de sirènes et
de quintes ascendantes sur « ô », suivies de quelques arpèges courts,
également sur « ô ». Son oreille, bien qu’incertaine, tenait à peu près
le coup ! Je surveillais de très près son intonation, restant persuadé
qu’il serait capable, d’ici peu, d’émettre des sons tout à fait justes
dans un ambitus couvrant largement la voix parlée (la1/do3 environ) (*)
(*)
La voyelle « ô » (très douce), que j’emploie souvent en début de
vocalisation, même pour des chanteurs confirmés, offre l’avantage – si
elle est bien réalisée - de faciliter, entre autres, l’abaissement du
larynx. Celui de Julien en avait le plus grand besoin…
Le billet : « La technique vocale de base » donne une progression facile dont les tout débutants peuvent s’inspirer.
Un peu de gymnastique vocale
Quelque
temps après, je lui en ai enseigné quelques éléments. L’articulation
très large des quintes syllabiques « sur lô à lô » qu’elle réclame lui
ont permis notamment d’affirmer la notion d’ouverture de bouche qui lui
faisait si cruellement défaut ! (*)
(*) A cette époque, et malgré ses progrès, il parlait encore « dans sa barbe » les trois quarts du temps…
Petites phrases difficiles
Bientôt,
j’ai pu terminer les cours par diverses phrases chantées sur de petits
motifs musicaux. Je fais pratiquer ces exercices surtout aux comédiens
pour affirmer leur articulation ou gommer certains défauts d’élocution.
Tout en étant amusants à chanter… ils rendent bien des services !
Voir les billets :
« L’articulation dans le chant »
« Le bégaiement est-il guérissable ? »
Progrès importants
Au
bout de quelques mois, il était indiscutable que la voix de Julien
avait vraiment changé ! L’appui dynamique qu’il possédait maintenant
d’une façon réflexe soutenait son discours et lui évitait bien de la
fatigue… Il restait cependant à améliorer « son timbre » qui manquait
encore cruellement d’harmoniques aigus.
Pour
pallier cela, j’ai ajouté à notre programme une modulation faisant
intervenir les voyelles fermées « é » et « i », riches en harmoniques
aigus, en alternance avec « â », pour éviter tout serrage.
Cela donnait : « â é â i â »
Nous
les chantions legato, par demi-tons ascendants, dans le grave et le
médium (la1 à la2 environ). Nous nous servions également, en combinant
ces mêmes voyelles, de quintes et d’arpèges d’accords de quinte. Je ne
compliquais rien, l’essentiel pour moi était que Julien chante ces
modulations le plus juste possible… sans serrer sa gorge ! Un peu plus
tard nous avons travaillé de la même façon la modulation plus complète
« â é i ô u i » afin d’améliorer d’une façon plus générale
l’homogénéité de sa voix.
Une fable
Parallèlement,
nous avions mis une fable de La Fontaine en chantier. Il s’agissait de
« La laitière et le pot au lait » que j’affectionne particulièrement.
Pour Julien, elle constituait l’exercice incontournable, celui qui « signerait » vraiment ses progrès !
Pour
lui en donner une conscience plus exacte, au bout de quelque temps,
lorsque la fable a été bien rôdée… nous l’avons enregistrée ! Quelque
chose d’énorme s’était passé ! Le résultat était indiscutable. (*)
(*)
Julien a pu constater (en spectateur, si j’ose dire…) que sa voix était
maintenant à la fois plus tonique, plus claire et que son articulation
était plus tranchée…
On ne perdait plus un mot de son discours !
Nota important :
Au
fil des cours, en même temps que la fluidité et l’aisance vocale
avaient augmenté, la fréquence et l’intensité des raclements de gorge
avaient énormément diminué…
Tout rentrait doucement dans l’ordre. (*)
(*) J’avais toujours pensé que nous aurions un bon résultat… mais celui que nous avons obtenu m’étonne encore aujourd’hui !
Quant
à l’intéressé, il reconnaissait de moins en moins sa voix. Il me dit,
quelque temps après le cours mémorable où nous avions enregistré la
fable, qu’il avait refait le message d’accueil de son répondeur…
La caméra… une autre preuve !
Dans
les cours suivants, j’ai poussé le bouchon un peu plus loin en ajoutant
l’image au son afin que Julien ait une idée exacte de « l’ampleur
exacte » de son articulation. Lui qui croyait, pour se conformer à mes
directives, ouvrir démesurément la bouche pour parler… se rendit compte
« de visu » qu’il n’en était rien !
Il parlait maintenant tout à fait normalement, comme tout un chacun et, grâce à l’appui, ne « boulait » plus ses phrases !
- Tu vois que tu peux parler en ouvrant plus la bouche ?
- Incroyable !
- On se fait souvent des idées fausses… et pas seulement pour ça !
Epilogue
L’histoire de Julien se termine… bien.
Les
bons réflexes acquis ne le quitteront sans doute plus. Il m’a dit
continuer de temps en temps Arnica et tisane d’Erysimum mais… le fond
du problème n’était pas là !
A bientôt ?
Pour consulter les archives des billets actu, c’est ici !

Jean Laforêt