Chronique du Dimanche 08 novembre 2015
Ma voix est trop faible
Florian S. (21 ans - Etudiant en droit)
Monsieur,
Je
me permets de vous écrire car, après avoir parcouru plusieurs de vos
billets, j’ai constaté que vous ne faisiez pas travailler uniquement
des chanteurs. J’ai vingt-et-un ans et je me destine à une carrière
d’avocat. Je trouve ma voix excessivement faible et je dois avouer que
je suis à la fois inquiet pour ma future carrière et très complexé sur
un plan purement personnel ! Je souhaiterais faire un bilan afin de
savoir si j’ai des chances de la renforcer avec un travail vocal
sérieux.
Cette démarche est très importante pour moi. Merci de me joindre au 06…
Bien à vous
Florian
Ma réponse
Florian,
Merci
de votre mail dont je viens de prendre connaissance. Rassurez-vous, un
travail vocal bien conduit améliore toujours une voix. Dans quelle
mesure pour vous ? Je ne pourrai vous le dire qu’à l’issue du bilan.
Je vous appellerai demain sur votre 06… afin que nous fixions un rendez-vous dans les plus brefs délais.
Bien cordialement
Jean Laforêt www.jean-laforet.fr
Bilan vocal
J’ai
reçu Florian une quinzaine de jours après cet échange de mails. C’est
un garçon grand (1,85 m, me dira–t-il plus tard), assez athlétique
d’aspect et dont le regard franc et la poignée de main ferme me plurent
d’emblée.
Une fois installé pour le petit
questionnement qui précède les tests vocaux proprement dits, il
m’exposa son problème « nerveusement » mais avec précision. Dès les
premières phrases qu’il prononça, je compris pourquoi sa voix le
souciait tellement ! Elle était effectivement faible et assez haut
perchée de surcroît. De plus, son discours était haché et fréquemment
interrompu par de légères pauses. Je l’ai écouté en l’observant très
attentivement, cherchant à déterminer… le pourquoi du comment ! J’ai
noté que son souffle était pris rapidement, par saccades et… qu’il
parlait en tendant le cou. Ce garçon paraissait visiblement à la fois
très nerveux et très inquiet.
A première vue,
il semblait réunir une panoplie de défauts assez complète ; ce n’était
pas pour me déplaire car, en les amendant, on était sûr d’avancer. Oui,
mais encore fallait-il pouvoir les amender…
Au bout d’un moment, je lui ai gentiment demandé :
- Tu me sembles vraiment très nerveux !
- C’est peu de le dire. Je me rends bien compte de mon état vocal ! Pour un futur avocat, c’est mal barré !
- Oui, je comprends ton inquiétude ! Mais, rassure-toi, tout n’est peut-être pas perdu…
- Dieu vous entende ! Vous êtes mon dernier recours. Si ma voix ne s’améliore pas, je devrai choisir un autre métier !
-
Ne désespère pas… Un rendement vocal insuffisant est souvent dû, sauf
en cas d’état pathologique connu, au mauvais fonctionnement de certains
facteurs plus ou moins « mécaniques » sur lesquels on peut travailler.
Tu n’es pas malade ?
- Pas que je sache ! Franchement, vous pensez qu’une solution existe ?
-
Mais oui ! Une bonne gestion de l’appui du souffle et un travail
sérieux sur la résonance des voyelles peuvent déjà changer bien des
choses.
- Je ne respire pas bien ?
-
Pas vraiment ! En fait, à première vue tu gères bien mal ton souffle…
et ce n’est pas, à mon avis, la seule chose à incriminer ! Cependant,
j’ai bon espoir de pouvoir t’aider à arranger tout cela.
- Oui ?
- Je le pense. Mais n’espère tout de même pas obtenir rapidement une voix de stentor…
- Je ne demande pas la lune…
-
Dans ce cas, je peux presque te « prédire », si tu me fais confiance,
une amélioration qui peut se révéler plus que suffisante pour ton futur
métier.
- Puissiez-vous dire vrai ! Si au moins je n’étais pas si nerveux…
- Oui, il est certain que ta nervosité te joue des tours… elle est vraiment palpable !
- Ça me rend dingue ! Mon problème vient de là ?
-
En partie seulement ! mais il est néanmoins certain que ton état
nerveux et ton problème vocal s’auto-entretiennent, l’un alimentant
l’autre et inversement !
- Ah…
- Nous en reparlerons. Je voudrais maintenant vérifier certaines choses.
- OK
Les tests vocaux
Ils eurent lieu torse nu et ventre libre.
J’ai
tout d’abord demandé à Florian de lire à haute voix (comme au prétoire)
un texte que j’avais à portée de main. Il se prêta de bonne grâce à cet
essai et fit de son mieux, mais, malgré sa bonne volonté, la lecture
fut hachée et le sens des phrases très faiblement exprimé. Pour parler
comme au théâtre : la voix ne passait pas la rampe ! De surcroît, il
reprenait très (trop) souvent son souffle, et d’une façon totalement
anarchique. (*)
(*)
En outre, il était assez choquant et presque ridicule, d’entendre sa
voix totalement en inadéquation avec son physique ! Ce grand corps
accouchait vocalement d’une souris !
De ce fait, l’orateur n’était absolument pas convaincant… une bien piètre plaidoirie en vérité !
Sans
donner d’explication après ce premier test, j’ai demandé à Florian de
crier très fort, comme pour prévenir d’un danger imminent une personne
située assez loin de lui ! J’ai ajouté :
- Crie le plus fort possible ! Ce test est important… tu n’en mourras pas !
- Je vais casser le peu de voix qui me reste !
- Mais non, fais-moi confiance !
Il
a crié le plus fort qu’il pouvait, à plusieurs reprises. Ce test me
combla d’aise car, même si le cri ne fut pas énorme, le résultat
indiquait qu’une réserve de puissance existait !
J’ai
testé ensuite l’oreille : elle était vraiment mauvaise ! Florian ne
répétait pratiquement aucun des sons que je jouais au piano… Son amusie
était assez prononcée (60%/70% ?)
En
l’occurrence, c’était plutôt bon signe (si l’on peut dire) car
j’espérais, si je parvenais à l’améliorer - ne serait-ce qu’un peu -
par divers exercices, donner à Florian une meilleure écoute de sa voix
parlée. S’entendre plus fidèlement l’aiderait à coup sûr à s’exprimer
sur un diapason un peu plus adapté !
Décision de travail
Nos
tests terminés, je lui ai fait part de mes déductions générales et
expliqué les principales anomalies – oreille comprise - que j’avais
détectées.
J’ai aussitôt ajouté qu’il me semblait
possible de les amender dans une mesure raisonnable et que j’avais bon
espoir de lui permettre d’améliorer la tonicité et le timbre de sa
voix. J’ai aussi insisté sur le fait que, si nous entreprenions une
rééducation vocale ensemble, elle nécessiterait un travail extrêmement
sérieux et pointu (comprenant relaxation et taïchi), pour lequel il
devrait coopérer à fond.
Florian m’écouta sans
m’interrompre et lança d’une voix subitement plus assurée (et, me
sembla-t-il, plus rassurée), qu’il était d’accord pour entreprendre ce
travail complet afin de se donner le maximum de chances.
- Comme ça, je n’aurai aucun regret !
- Si tu t’accroches, nous y arriverons, j’en suis presque certain !
- Il faudra combien de temps, à votre avis ?
- Je ne sais pas… le moins possible ! et je pense que tu verras assez vite poindre certains signes positifs qui te rassureront !
- On commence quand ? la semaine prochaine ?
- OK !
Voir le billet : « Le chant thérapie, un travail vocal intégral »
Le premier cours
Comme
beaucoup d’élèves, Florian n’avait jamais fait de relaxation. Je dois
dire que, pour une première fois, il s’en tira assez bien et réussit à
se détendre relativement correctement, si j’en crois les nombreux
bâillements qui suivirent ce tout premier exercice. Pratiqué juste
après, le massage fut ponctué lui-aussi de fréquents et profonds
bâillements, continuant de favoriser un relâchement général tellement
utile pour la suite de notre travail. Avant de commencer le taïchi, je
lui ai demandé :
- Tu te sens comment ?
- Super-bien, mais je n’aurais jamais pensé être tendu à ce point !
-
Rassure-toi, tu n’es pas le premier à constater un tel phénomène… De
nombreuses personnes vivent constamment avec des tensions, parfois
importantes, sans en avoir vraiment conscience ; ce n’est qu’en se
relaxant qu’elles s’en rendent pleinement compte. Dans la vie courante,
bâilles-tu quelquefois ?
- Oui, un peu ! mais bâiller autant et aussi profondément ne m’était encore jamais arrivé !
- Il faut un commencement à tout… Maintenant, travaillons un peu ta respiration !
- OK !
Grâce à cette bonne détente, j’étais heureux de pouvoir amorcer, dès ce premier cours, le travail respiratoire.
Hélas,
ce fut un « amorçage » difficile ! Au tout début, son ventre est resté
comme bétonné… ne bougeant que fort peu, malgré de multiples
indications destinées à lancer une respiration abdominale, même
modeste. Cependant, peu à peu, j’ai réussi à obtenir de tous petits
mouvements « respiratoires » de cet abdomen hyper-contracté ! C’était
très léger, mais constituait tout de même un début !
J’ai donné différents exemples d’exercices illustrant ce travail (parfois difficile) dans les billets :
« Une fatigue vocale récurrente »
« La technique vocale de base »
« Je voudrais devenir ténor »
Note
: J’avoue qu’il est tout de même heureusement très rare de constater
des blocages aussi prononcés. Pour mon compte, je ne me souviens que
d’une petite dizaine de cas…
Progrès
Cependant, cahin-caha, les progrès de Florian s’affirmaient doucement.
Au
bout de quelques cours, sa respiration abdominale avait assez progressé
pour que je puisse commencer à lui faire effectuer des séries de « cris
» destinés à réaliser un début d’accord pneumo-phonique. Il s’agissait
de simples appels « libres », relativement doux, sur « a » : les
réaliser sur telle ou telle note n’était pas à l’ordre du jour ! Je
souhaitais seulement qu’ils prennent appui au bon endroit : c’était,
pour l’instant, le seul but que je recherchais !
Au
fil du temps, ils devinrent progressivement plus toniques, sans que sa
gorge ne souffre le moins du monde ! Il en était très surpris et,
surtout, ne reconnaissait pas sa voix. Il me confia qu’il n’aurait
jamais imaginé être capable d’émettre des sons aussi forts !
Naturellement, parler en utilisant ce type d’appui n’était pas pour tout de suite !
Voir des détails sur ce travail dans les billets :
« La technique vocale fondamentale »
« Les fondamentaux de la technique vocale »
« Le cri du corps »
L’écoute !
Parallèlement
au taïchi général qui était bien sûr continué, j’avais entrepris une
petite « rééducation » d’oreille. Pour cela, juste après la relaxation,
lorsqu’il était détendu au maximum, je demandais à Florian de répéter
des sons – tous situés dans l’ambitus de sa voix parlée
(do2/ré2/mi2/fa2) - que je jouais au piano. Au tout début, et malgré la
détente qui généralement facilite la perception auditive, cet exercice
de repérage de sonorités lui fut extrêmement difficile (pour ne pas
dire impossible)… et le résultat naturellement presque nul.
Cependant,
à force d’insister, certaines « avancées » se précisèrent. Il commença
tout d’abord à repérer (et à répéter) certaines sonorités situées dans
l’ambitus qu’il utilisait le plus en parlant : c’est-à-dire – comme il
parlait assez haut – dans une fourchette de ré2/mib2/mi2 ! (*)
(*)
Je fus très heureux de ce tout premier pas ; le but que je visais était
bien sûr d’habituer son oreille à repérer les sons plus graves (do2
si1) qui existaient dans sa voix mais qu’il n’employait pas, faute de
les avoir jamais perçus !
Rappelons que la voix peut produire uniquement les sons que l’oreille peut concevoir !
Un début de vocalisation
On
peut difficilement appeler cela de la vocalisation mais Florian
arrivait maintenant (au bout de deux mois environ) à « chanter » avec
une justesse - certes encore très approximative - quelques quintes
ascendantes sur « ô » dans un ambitus de travail restreint : do2 à la2
(dans les grands jours) ! C’était minime mais je sentais que la «
machine » était lancée.
Autre motif de
satisfaction : le cours l’intéressait vraiment et, de ce fait, sa
motivation restait intacte malgré des « hauts et des bas » parfois
conséquents !
Note importante :
Il
avait pris conscience que plus il était détendu physiquement, mieux il
arrivait - non seulement à entendre plus fidèlement - mais à « chanter
» plus facilement ses notes les plus graves. (*)
(*)
Pratiquement, c’était en position penchée, bras lourds et tête lourde
qu’il réussissait le mieux ces notes-là. Rien d’étonnant à cela car,
tout en favorisant la détente générale du haut du corps, cette position
provoque un relâchement de la mâchoire inférieure, dont la contraction
involontaire est souvent source de serrage de la gorge !
Une lueur d’espoir qui s’affirme
En
taïchi, nos « cris » se libéraient de plus en plus, devenant tout
naturellement mieux assurés et plus justes. Ce n’était pas encore une
vraie révolution mais ce progrès était tout à fait perceptible. Je
pouvais maintenant demander à Florian de « crier » en produisant telle
ou telle note (accessible pour lui). Il pouvait la tenir un bref
instant (deux à trois secondes) sans dérailler et… ça marchait !
Lecture « recto tono » (sur le même ton)
J’ai
profité de cette embellie pour lui faire dire quelques séries de
chiffres et quelques phrases courtes en voix projetée – en lecture «
recto tono » - sur la note ré2 que nous avions adoptée après plusieurs
essais. Je surveillais naturellement avec la plus grande attention les
réactivations diaphragmatiques ponctuant son discours…
Pour des précisions sur ce travail, voir les billets :
« Ma voix se fatigue très vite »
« Le bégaiement est-il guérissable
« La rééducation de la voix parlée »
Progrès sur le texte, en voix parlée
Nos
exercices en lecture « recto tono » donnèrent d’excellents résultats
presque immédiatement… en tout cas, bien plus rapidement que je ne
l’avais espéré ! Ce bon résultat était sans doute dû au fait que la
qualité de l’écoute avait ici une importance moindre que dans la
vocalisation, même très rudimentaire, que nous pratiquions par
ailleurs. Florian parvenait maintenant à commencer le début de chacune
de ses phrases avec une amorce d’appui abdominal correct et cela
augmentait de beaucoup la tonicité du discours !
Le
plus important était qu’il se rendait parfaitement compte de ce progrès
et que cette prise de conscience était excellente pour son moral.
Il était maintenant tout à fait évident pour lui que cela bougeait…
Modulations avec nasales
Parallèlement
à notre travail sur les textes et les comptages de chiffres dont je
parle plus haut, nous avions commencé à « chanter » des modulations de
voyelles comportant des nasales. (*)
(*)
Les modulations de ce type, réalisées dans le médium et le grave de la
voix, facilitent beaucoup la perception de la résonance et aussi…
l’obtention du grave !
Florian, dont les
possibilités vocales étaient plus que limitées « chantait » ces
modulations sur quelques notes seulement, approximativement de ré2 à
sol2. Assez vite cependant, grâce aux nasales et à la détente générale
du corps qu’il cultivait de mieux en mieux, do#2 puis do2 pointèrent le
bout du nez… bonifiant son timbre et l’écoute qu’il en avait. (*)
(*)
A ce stade, je me servais surtout de la modulation « ou on an â » (Je
rappelle qu’une modulation est une suite de sonorités chantées « liées
» sur la même note)
La pratique de l’exercice de modulation est décrite en détail dans le billet :
« Le cours de technique vocale type »
Tonicité vocale en hausse
Cela
faisait maintenant cinq mois pleins que nos cours avaient débuté et il
était indéniable que la voix de Florian avait déjà beaucoup gagné en
tonicité. Elle n’était que très légèrement plus grave, mais nettement
plus incisive. Son timbre était plus présent et, Dieu merci, il
contrôlait mieux le débit de son discours. Je m’en rendais aussi
parfaitement compte dans nos conversations à bâtons rompus, que je
prolongeais parfois uniquement pour étudier son élocution… un peu à son
insu !
Une petite suggestion
Bien
que bâti en athlète, Florian n’était pas très sportif. Maintenant qu’il
savait assez bien maîtriser sa respiration, j’ai pensé qu’un peu de
sport pourrait lui faire énormément de bien et… nous aider dans notre
démarche générale :
- Tu ne pratiques aucun sport ?
- Non, pas pour l’instant. J’en faisais quand j’étais jeune…
- C’est vrai que tu es très vieux… à 21 ans ! Tu courais, tu nageais ?
- Non, pas trop ! Seulement un peu de « muscu » en salle et parfois de la randonnée avec des potes !
- C’était déjà bien. Je suis persuadé que maintenant que tu sais contrôler ta respiration comme un chef…
- Ah oui ?
- Enfin presque ! la natation et de footing t’aideraient beaucoup dans ta démarche vocale !
- Comment ça ?
-
Courir au grand air en petites foulées, en respectant un certain rythme
respiratoire (par exemple : souffler pendant quatre foulées et se
laisser inspirer pendant les deux suivantes) est excellent pour
entretenir une bonne soufflerie !
- Ah !
-
La natation est également un sport qui convient aux chanteurs… et aux «
parleurs », à condition toutefois de prendre des précautions
élémentaires pour protéger ses oreilles contre les mycoses et autres
joyeusetés que l’on trouve parfois dans les piscines !
- Je n’aurai pas le temps de faire tout ça !
- En t’organisant… je suis sûr que tu le trouverais. Promets-moi au moins d’y penser ?
- OK !
Une fable
Il
fallait maintenant mettre en pratique les progrès que nous avions
faits. Une fable de La Fontaine me parut plus intéressante et surtout
plus « vivante » à travailler qu’un quelconque texte de droit ! J’ai
demandé à Florian d’apprendre tranquillement « La laitière et le pot au
lait ». Il n’était pas question de seulement dire le texte :
l’interpréter « en comédien » aurait un impact bien supérieur ! Il me
promit de chercher cette fable sur Internet et de la savoir pour la
prochaine fois…
Ce serait tant mieux mais, pour moi, l’important était surtout qu’il en sache une partie pour commencer notre travail !
Grosse surprise au cours suivant
Florian
me l’avait promis… il tint parole. Ce jour-là, il me dit dès son
arrivée qu’il savait parfaitement l’intégralité de sa fable. Il ajouta
qu’il aimerait bien s’y atteler sérieusement dès aujourd’hui ! C’était
aussi mon intention, même s’il n’en avait connu qu’une petite partie…
alors, là !
- Aucun problème, nous consacrerons
la dernière partie du cours à ce travail pratique ! Tu pourras ainsi
appliquer « consciemment », avec un support amusant de surcroît,
l’ensemble de tes progrès.
- J’ai hâte de voir ça. Je l’ai déjà récitée chez moi à haute voix et je crois que ça résonnait assez bien !
-
J’en suis persuadé mais je tiens cependant à ce que nous commencions ce
travail en contrôlant minutieusement et… complètement le mécanisme
phonatoire et d’appui. Nous jouerons au comédien un peu plus tard ! Ce
premier travail s’apparentera donc aux exercices que nous avons faits
sur les séries de chiffres et les petites phrases en voix projetée. Tu
te souviens ?
- Yes ! Le « recto tono » ?
- Tout à fait !
Vingt
minutes avant la fin du cours, nous nous sommes attelés à ce travail.
J’ai tout d’abord demandé à Florian de réciter la fable à voix haute,
comme il le sentait, sans lui donner aucune indication. J’ai été
surpris et heureux du résultat ! Non seulement il la savait par cœur,
mais il ne fit aucune erreur « technique » en la disant. Ses reprises
de souffle étaient correctes et la voix s’appuyait assez bien.
- Tu sais que tu m’épates ?
-
Je l’ai déjà beaucoup travaillée chez moi, en faisant très attention
et… devant la glace pour rester droit et surveiller mon ventre !
-
Très bien. Il faudra t’entraîner maintenant à « ressentir » les
intonations et le rythme des phrases avec ton corps, sans l’aide de ta
glace… Pour commencer, tu vas la redire entièrement… en « recto tono » !
- OK !
Nous avons choisi de parler sur un mib2, une note qui sonnait assez bien dans sa voix. (*)
(*)
Sans avoir le souci de l’intonation, Florian pourrait se concentrer à
fond sur la première syllabe du mot qui commençait chaque phrase,
assurant un appui correct à celle-ci !
« Seul, le travail technique était privilégié dans cet exercice. »
Cet
essai fut également un succès ! Florian réussi à réciter toute sa fable
(en recto tono) sans aucune erreur technique de respiration ni d’appui
! Il était facile de constater que sa puissance d’élocution était très
augmentée… il en eut lui-même pleinement conscience ! Il restait à
réussir la même chose avec les intonations adéquates… du comédien. (*)
(*)
Nous frôlions maintenant le but général que nous nous étions fixé !
Visiblement, Florian s’appropriait « à grands pas » la voix qu’il avait
souhaitée en venant me voir !
Le cours suivant
Après
notre travail habituel, nous avons également consacré un long moment à
notre fable. Comme je m’y attendais, après quelques essais en lecture
recto tono pour une ultime vérification générale, Florian n’eut aucun
mal à la « dire » avec les intonations normales, en « comédien »… sans
« laisser tomber » ses fins de phrases !
Je me
mettais au fond du studio, assez loin de lui, pour qu’il soit obligé de
« s’adresser » à moi… en projetant bien son texte. J’étais son seul
spectateur… mais un spectateur « critique » qui devait naturellement
comprendre parfaitement chacune de ses phrases sans avoir à prêter
l’oreille !
A cette occasion, j’ai insisté sur
la différence qu’il existe entre « parler loin » et « parler fort » !
Un orateur doit surtout penser à s’adresser, très distinctement certes,
à un auditoire situé loin de lui (sauf exception, bien entendu !)
Parler seulement « fort » ne suffit pas toujours (*)
(*)
Un excellent exercice pour travailler « le parler loin » consiste à
s’adresser à une personne située à une dizaine de mètres, simplement en
« chuchotant ». Naturellement, l’auditeur ne doit pas perdre un seul
mot du discours ! Ce procédé oblige à forcer l’articulation et le désir
d’être compris… malgré la distance imposée !
Toujours la fable
Le travail de diction occupait maintenant la moitié de la durée de la leçon.
Je
demandais à Florian de dire sa fable avec des sentiments différents :
la joie, la colère, en variant le rythme, la hauteur de la voix, etc.
Cela donnait d’excellents résultats. Il oubliait complètement son
problème et se lançait avec joie dans des interprétations délirantes à
souhait ! Moi… je surveillais très attentivement le côté technique de
l’opération, radieux de constater que les bases que nous avions mis en
place tenaient bon ! Désormais, « le corps parlait », épargnant
complètement la gorge !
Un peu de sport
Florian
m’apprit un jour qu’il avait suivi mes conseils et repris une petite
activité sportive. En fait, il courait tous les samedis avec des
copains, au bois de Vincennes… en essayant de respecter le rythme
respiratoire dont je lui avais parlé. Il pensait aussi aller bientôt à
la piscine faire quelques brasses !
Je l’ai félicité pour cette sage décision. Tout arrivait à point !
Epilogue
L’histoire de Florian se termine.
Il vient encore me voir toutes les trois semaines, pour se ressourcer !
Je
suis bien tranquille, il n’oubliera rien et ses progrès, avec sa toute
nouvelle confiance en lui, ne feront que s’affirmer de plus en plus !
A bientôt ?
Pour consulter les archives des billets actu… c’est ici !

Jean Laforêt