Chronique du Mercredi 20 février 2019
Je manque vraiment de souffle
Gérard T. (29 ans – ingénieur informaticien et… poète, passionné de musique et de chant)
Monsieur,
Je
me présente, Gérard, 29 ans, informaticien et passionné de musique et
de chant ! Pour résumer, sans avoir de véritables prétentions
artistiques, j’écris des textes que je mets en musique (je me
débrouille un peu au synthé) et que je chante le mieux possible. Mais,
avant tout, je voudrais vous remercier pour le contenu si intéressant
de votre site. J’ai lu et relu de nombreux billets. Ils sont tous très
instructifs et m’ont beaucoup servi. Mais, voici en deux mots le but de
mon mail : en plus de divers soucis vocaux - sans doute communs à
beaucoup – en chantant, je manque de souffle d’une façon chronique !
Cela risque de vous faire sourire mais, croyez-moi, c’est un véritable
cauchemar ! Je me suis décidé à prendre contact avec vous afin d’avoir
un avis professionnel et remédier si possible à ce qui est pour moi un
terrible handicap ! J’aimerais vous rencontrer le plus vite possible
pour un bilan vocal et vous expliquer tout ceci de vive voix. Je suis
joignable au (06…)
Je vous remercie d’avance. Pardon pour mon mail un peu long !
Très respectueusement
Gérard
Ma réponse
Gérard,
Ne
vous excusez pas… j’ai reçu parfois des mails bien plus longs que le
vôtre. Oui, j’ai souri au sujet de ce que vous décrivez comme un
terrible « handicap » ! Peut-être n’est-il pas si « terrible » ?
Différentes causes peuvent provoquer le manque « chronique » de souffle
vocal que vous décrivez. A votre âge, elles sont techniques la plupart
du temps mais, quelquefois, un problème psychologique est intriqué ! En
fait, elles résultent assez souvent d’un petit cocktail des deux !
Le
bilan nous dira tout cela. De toute façon, ne vous inquiétez pas trop.
J’ai déjà rencontré des cas semblables au vôtre et ils ont, jusqu’à
présent, toujours trouvé une solution…
Je vous appellerai demain afin que nous convenions d’un rendez-vous pour très bientôt !
Bien cordialement
Jean Laforêt www.jean-laforet.fr
Bilan vocal de Gérard
J’ai
reçu Gérard huit jours après cet échange de mail. C’est un grand garçon
brun, d’allure sportive, au visage souriant éclairé d’un regard bleu
incisif et direct ! Je l’ai tout de suite trouvé sympathique. Il me
dira plus tard mesurer 1,83 m et pratiquer assidûment la natation et le
karaté ! Tout cela n’empêche pas ce jeune ingénieur d’être fou de
musique et de chant.
Dans la conversation qui
précède les tests proprement dits, il m’a décrit avec moult détails le
fameux manque de souffle qui le « tracasse » tant. Je fus tout de suite
frappé par le débit extrêmement rapide et heurté de son discours ; il
bousculait souvent ses phrases et respirait par à-coups. (*)
(*) Avait-il le trac ? Peut-être ! Pourtant, en principe, je n’intimide personne, tout le monde est à l’aise avec moi…
Continuant
à parler tout aussi rapidement, il m’assura que, son problème de
souffle mis à part, il n’était pratiquement jamais enroué, que sa voix
ne se fatiguait pas vite et que, quand par malheur ça arrivait, sa
récupération vocale était très rapide. Il insista sur le fait qu’en
pratiquant ses sports favoris (natation et karaté), il ne ressentait
rien d’aussi « alarmant », bien qu’il soit parfois essoufflé à certains
moments. (*)
(*) En
résumé, à part cet « essoufflement vocal » qu’il ne s’expliquait pas et
qui le « tracassait » vraiment beaucoup, il m’assura jouir d’une assez
bonne forme !
Un peu plus tard cependant,
répondant à des questions plus précises sur sa santé, il me révéla avec
un petit sourire, que, malgré les apparences, il était d’une nature
assez timide et anxieuse. Il ajouta qu’il ressentait assez souvent des
douleurs à l’estomac et au ventre et que son sommeil n’était pas
vraiment « top ». (*)
(*) Tout cela signait un certain mal-être.
Il
continuait à s’exprimer toujours très vite, semblant vouloir tout
expliquer à la fois ! Mine de rien, j’observais attentivement son geste
respiratoire qui m’intriguait de plus en plus et, pour faire rebondir
son discours, je me surprenais parfois à lui poser des questions d’une
utilité tout à fait relative…
Ceci dit, sa voix, assez grave, possédait un joli timbre. (*)
(*)
A un moment, j’ai constaté qu’il semblait s’essouffler. En tout cas, le
garçon plutôt sûr de lui que j’avais accueilli un peu plus tôt
dévoilait maintenant une personnalité pour le moins nerveuse et
inquiète !
Tout en continuant à
l’observer, je m’interrogeais : cet « essoufflement » ne serait-il pas
dû à un défaut respiratoire pas très commun : un souffle inverse ? Je
me posais seulement la question car la chemise et le blouson qui
couvraient son torse m’interdisaient d’affirmer quoi que ce soit ! (*)
(*)
Pour faire court, j’appelle « souffle inverse » l’action de rentrer le
ventre en prenant haleine et de le relâcher au moment de parler. Les
personnes, affligées de ce mauvais geste respiratoire (tout de même
assez rare), se fatiguent extrêmement vite en parlant et, a fortiori,
en chantant ! J’ai fait notamment, entre autres, travailler un monsieur
d’une cinquantaine d’années victime de ce problème. Il était
standardiste de profession et, parlant naturellement beaucoup,
terminait ses journées de travail complètement épuisé… sans savoir
pourquoi ! Il nous avait fallu pas mal de temps pour corriger ce
mauvais « geste », ancré en lui depuis des lustres !
Finalement,
que ce défaut soit « peut-être » présent chez Gérard ne me déplaisait
pas ! Si c’était le cas, le corriger lui apporterait un « ouf énorme »
et, chez un garçon jeune et motivé comme lui, cette rééducation
promettait d’être assez rapide ! Sur l’instant, je ne lui ai rien
révélé de mes « cogitations » car je devais d’abord m’assurer que ce
problème était vraiment présent chez lui ! Pour ce faire, j’ai
interrompu gentiment son discours :
- Merci pour
toutes ces précisions. Je vois maintenant plus clairement ton problème
! Mais, dis-moi… tu me parais un peu essoufflé ! Je me trompe ?
- Non, c’est vrai, je suis essoufflé ! Pourtant, je n’ai pas encore chanté !
- Oui ! Mais tu as beaucoup parlé pour m’expliquer tout ça !
- Oui… il y a un rapport ?
- Peut-être ! Je t’expliquerai ça dans un moment !
- C’est vrai ? Pourtant je…
- Un peu de patience ! Faisons maintenant quelques tests. Tu veux bien te mettre torse nu et desserrer ta ceinture ?
- Ok !
Tests vocaux
Dans
cette tenue allégée, le fameux « souffle inverse » s’affirma
visuellement dès les premières phrases qu’il prononça ! Le défaut était
bien là !
Mais, chut pour l’instant !
- Pourrais-tu chanter « a cappella » quelques lignes d’une chanson ?
- Oui ! Je vais chanter une des miennes que j’aime bien !
Après avoir pris une note au piano, il commença à chanter…
Comme
je l’avais subodoré, Gérard avait un assez beau timbre. Il était
apparemment baryton et interprétait sa chanson, toute simple et assez
jolie, avec goût. De plus, il chantait parfaitement juste !
Mais,
seulement quelques instants après avoir commencé, il m’interpella du
regard en me montrant qu’il s’essoufflait… Je l’ai invité à poursuivre
avec de petits gestes d’encouragement afin de pouvoir continuer à
l’observer tranquillement.
Son chant tout juste terminé, il enchaîna en me disant :
- Vous avez vu…
-
Oui, rassure-toi, j’avais bien constaté que tu t’essoufflais mais je
souhaitais prolonger un peu ce test, vraiment très révélateur. J’ai
maintenant une idée tout à fait précise de la cause de ton grand souci
!
- Vrai ?
- Oui ! Tout d’abord, compliments ! tu as une jolie voix et… ta chanson est très originale !
- Merci…
-
J’ajoute que, si tu me fais confiance, ton calvaire ne sera bientôt
plus qu’un mauvais souvenir ! Tu pourras vite te faire vraiment plaisir
en chantant !
- Ce n’est pas une blague ? Ça peut s’arranger ?
- Absolument, ne crains rien !
- Mais, d’où ça vient ?
-
D’un mauvais réflexe respiratoire. Ce défaut affecte aussi bien le
chant que le discours parlé, d’où cet essoufflement que tu as ressenti
tout à l’heure en m’expliquant ton problème… avec, je dois dire,
beaucoup de passion ! Mais, encore un peu de patience, je t’expliquerai
tout ça en détail dans un instant ! Je voudrais que nous fassions
maintenant quelques petits tests vocaux pour vérifier certaines choses !
Les
exercices simples qui suivirent mirent en exergue les problèmes
inhérents aux débutants que j’avais en partie constatés lorsqu’il
chantait : statique corporelle à revoir, mauvaises attaques, les
voyelles « i » et « é » serrées, etc.
Mais l’important était, on l’aura compris, surtout ailleurs…
Mais, qu’est-ce qui se passe ?
Le moment était venu de tout expliquer à Gérard qui, on s’en doute, attendait ce moment avec impatience !
Aussi,
sans le faire languir davantage, lui ai-je détaillé, cette fois-ci par
le menu, la cause principale de ses ennuis : le fameux « souffle
inverse » que j’ai décrit plus haut. J’ai insisté sur le fait que les
autres anomalies que j’avais relevées dans son émission n’étaient que
des broutilles à côté de ce mauvais réflexe respiratoire. J’ai ajouté
que cet ennui, bien que sérieux, serait à mon avis assez facilement
amendable chez un jeune homme comme lui, contrairement à des personnes
plus âgées où il était installé depuis bien plus longtemps ! En disant
cela, je pensais surtout au monsieur standardiste dont j’ai parlé…
«
Dans le cas de Gérard, étant donné la nervosité qui était évidente chez
lui, les aspects physiques et psychologiques semblaient étroitement
imbriqués ! Notre travail ne serait certainement pas uniquement
technique. »
Je lui fis alors part d’un fait que je m’expliquais mal, car il ne cadrait pas vraiment avec le reste :
- Il faut maintenant que je te parle d’une chose qui m’intrigue beaucoup !
- Laquelle ?
- Je suis tout de même très étonné que tu ne ressentes pas d’essoufflement en faisant du sport ! Surtout au karaté !
- Oui, c’est vrai, je m’essouffle assez… mais c’est plus normal, non ?
- Pas vraiment ! Avec ce problème respiratoire, tu devrais aussi être très gêné en courant, en nageant, en bougeant beaucoup…
-
Maintenant que vous m’y faites penser… En plus du karaté, où, c’est
vrai, je m’essouffle apparemment plus que les autres, n’est-il pas
anormal, à mon âge, de devoir s’arrêter pour récupérer après avoir
couru deux cents mètres en petites foulées ?
- Tout à fait !
- Les copains n’ont pas ça !
-
Et pour cause ! Cependant, je veux te rassurer tout à fait ! Tous ces
ennuis, ont strictement la même cause : ton problème respiratoire ! En
le corrigeant, nous ferons d’une pierre, non pas deux, mais plusieurs
coups !
- C’est vrai ? Tout vient de là ?
-
Sûr, tout à fait sûr ! Et j’ajoute que les douleurs à l’estomac et au
ventre, ainsi que le sommeil quelconque dont tu m’as parlé pourraient
bien avoir aussi un certain rapport avec ce même problème et…
s’estomper plus tard avec lui !
- Je n’arrive pas à y croire ! Ce serait super !
- Et très possible ! Seulement, je ne te cache pas que ta nature extrêmement nerveuse n’arrange pas nos affaires !
- Ça…
- Avant toute chose, il faudra calmer le jeune homme !
- Sûr !
-
Pour résumer tout à fait : se débarrasser de ce défaut aura une
influence très bénéfique, non seulement sur ton chant et les sports que
tu pratiques mais, tu l’as sans doute compris, sur ton confort de vie
tout entier !
Il avait écouté cet « épilogue »
très attentivement, sans piper mot ! Ses yeux brillaient plus que de
coutume et m’ont semblé humides… il était à coup sûr très ému !
Avec
un timide sourire… il me confia alors qu’il y avait encore une chose
dont il avait « omis » de parler et qui lui semblait maintenant
importante. Il m’apprit alors être souvent un peu angoissé, sans
raison, surtout les soirs et les matins…
(*)
Sans lui demander de préciser plus, j’ai répondu simplement qu’il ne
s’inquiète pas trop ; qu’il n’y avait rien d’étonnant à ce que
certaines formes d’angoisses légères soient associées au mal-être que
son ennui respiratoire lui procurait fatalement, même s’il n’en avait
pas vraiment conscience !
Il n’ajouta rien. Il se confierait davantage plus tard, s’il le désirait.
«
J’ai pensé alors que, le moment venu et si c’était vraiment nécessaire,
je lui conseillerais de consulter un psychologue… Apparemment, il ne
l’avait pas encore fait… »
Décision de travail
J’avais
désormais une idée claire de ce qu’il nous faudrait accomplir. Dans un
premier temps, un « travail profond » s’imposait absolument !
Je
lui ai donc proposé que nous fassions l’intégralité du « cours vocal
intégral », comprenant relaxations, massages, taïchi vocal, etc. J’ai
ajouté que c’était à mon avis, la meilleure, sinon la seule façon de «
traiter », au mieux et « en même temps », les aspects techniques et
psychologiques de son problème !
Gérard me
répondit qu’il avait lu plusieurs fois le billet relatif à ce travail
complet et qu’il était parfaitement d’accord pour l’entreprendre. Il
m’a même semblé brusquement soulagé, plus calme, comme heureux de cette
décision !
Voir le billet : « Le chant thérapie, un travail vocal intégral ».
Rendez-vous
fut pris ! Nous commencerions la semaine prochaine ! Je sentais chez
lui une grande détermination, gage que la réussite serait au bout du
chemin.
Il m’a quitté rasséréné et, me semble-t-il, le moral très en hausse !
Le premier cours intégral
Gérard est arrivé en avance… c’était bon signe. Il a dû attendre un peu !
Notre
première relaxation fut assez difficile. Il est parvenu à se détendre -
un peu seulement - à la toute fin de l’exercice. Pendant celui-ci, je
l’ai senti agité intérieurement, sa respiration étant loin d’être
calme. Pourtant, il était évident qu’il essayait de s’abandonner, mais
sans y parvenir vraiment !
Le toucher de détente
et le massage qui suivirent eurent plus de succès. J’ai senti ce long
corps de sportif se relâcher progressivement, sans atteindre cependant
– loin s’en fallait - l’état d’apaisement souhaité !
De
toute façon, je n’en attendais pas davantage pour cette première fois !
Le plexus solaire était douloureux au toucher et le ventre demeurait «
bétonné ». J’ai massé délicatement ces zones sensibles, tout en lui
demandant d’accompagner mes gestes d’appui en soufflant légèrement. Au
bout de quelques minutes, un « certain » relâchement de bon aloi a
montré le bout de son nez, permettant de petites inspirations
abdominales…
Profitant de ce moment propice, je
lui ai alors demandé de souffler très légèrement tout en contractant
doucement la base de son abdomen ! Ce fut difficile mais j’obtins tout
de même, en l’aidant un peu de mes mains, un certain mouvement de
soufflerie venant du bas-ventre avec un retour inspiratoire abdominal
presque correct, ce qui lui était naturellement tout à fait inhabituel,
sauf accidentellement ! Nous avons réussi ce mouvement trois ou quatre
fois de suite. (*)
(*)
On imagine difficilement que de tels gestes si simples pour le commun
des mortels soient si problématiques pour d’autres ! Sans doute les
faisait-il « inconsciemment » dans sa vie de tous les jours mais, les
provoquer « consciemment » était tout autre chose ! Il fallait pourtant
passer par là…
Un peu après, j’ai essayé
de lui faire réaliser le même exercice… mais, cette fois-ci, sans
aucune aide de ma part ! Cela consistait, comme précédemment, à
contracter la base de son abdomen en soufflant puis de le relâcher en
se laissant inspirer. La première phase (l’expiration) fut assez bien
réussie mais la deuxième, le relâchement inspiratoire, releva du
domaine de l’impossible ! Seul aux commandes et conseillé seulement
verbalement, l’exercice débouchait invariablement sur une inspiration
thoracique haute, rappelant celle d’une personne en train de se noyer…
(J’exagère à peine) !
La leçon se terminait, je
n’ai pas insisté… Il est indispensable, dans certains cas, de laisser
un peu de temps au temps ! Le prochain cours serait un autre cours… (*)
(*) J’ai pensé à ce moment-là qu’il me faudrait sans doute être patient, très patient… Heureusement, je le suis !
J’ai recommandé à Gérard de penser un peu à tout ça pendant la semaine, mais surtout sans se prendre la tête…
Cependant,
ces petites « difficultés » de fin de parcours ne semblaient pas
l’avoir découragé car il me dit en me quittant avoir ressenti plein de
choses nouvelles et… avoir hâte de recommencer la semaine prochaine !
Le cours suivant
Dès
ce deuxième rendez-vous, j’ai noté une très nette amélioration générale
: respiration plus calme en relaxation, puis, dans le toucher de
détente qui suivit, un plexus moins sensible et un abdomen beaucoup
plus souple !
Ensuite, pendant le taïchi en
position allongée, Gérard est arrivé assez vite à « commander » les
contractions de son ventre pour produire les expirations suivies des
inspirations abdominales sur lesquelles nous avions butté la dernière
fois. Inutile de dire que j’ai été ravi de ce progrès… que j’étais loin
d’attendre aussi rapidement !
Etant donné ce bon résultat - vérifié plusieurs fois - j’ai pu poursuivre la progression que je m’étais fixée ! (*)
(*)
J’avais en effet décidé, aussitôt que cet exercice serait réussi,
d’ouvrir une « serrure technique » importante ! Il s’agirait d’obtenir,
« bouche et gorge grandes ouvertes », un « va-et-vient respiratoire
bruyant » !
Sans attendre plus, j’ai donc glissé la clé !
Pratique :
Le
corps (le plus détendu possible) est allongé sur le dos, nuque appuyée
sur un coussin, genoux surélevés pour compenser la cambrure !
Dans
un premier temps, gorge et bouche grandes ouvertes, expirer bruyamment
avec un « ha soufflé » en contractant –ventre en place - très doucement
et « progressivement » les muscles abdominaux à partir de la symphyse
pubienne (surtout pas un vrai son, mais un simple souffle bruyant sur
ha <<<<< ). L’inspiration qui suit, toujours gorge et
bouche grandes ouvertes, doit être également bruyante. On établit ainsi
progressivement un « va et vient respiratoire sonore » qui permet de «
matérialiser » assez concrètement le trajet de l’air !
Cette première phase réussie plusieurs fois, on passera à la suivante :
Cette
fois-ci, l’expiration bruyante terminée, relâcher aussitôt (doucement)
les muscles abdominaux… et laisser l’inspiration se produire, toujours
« gorge et bouche grandes ouvertes » mais silencieusement cette
fois-ci… (-----) (*)
(*)
Le but final de cet exercice est d’imiter un « soufflet de forge », la
bouche représentant le petit côté du soufflet (sortie de l’air), le
ventre, le grand côté sur lequel on agit.
Dès
que possible, essayer d’obtenir de cette façon un mouvement régulier :
1) ha <<<<< 2) (-----) 3) ha <<<<< 4)
(-----), etc. (*)
(*) Notons que les inspirations réflexes seront plus brèves que les expirations, c’est normal !
Cet exercice réussi est gage de liberté respiratoire !
Bien
sûr, cela ne représente qu’une petite partie du… début ! Ce serait l’un
des « premiers maillons » de la chaine pour Gérard… qui venait de très
loin !
Je fus assez surpris et content qu’après
seulement quelques essais, il réussisse parfaitement cet exercice…
pourtant aux antipodes de ses habitudes !
Ça avançait diablement vite !
Je lui dis, en toute fin de leçon, après une ultime révision de l’ensemble de nos « découvertes » :
- Tu as travaillé comme un ange !
- Merci ! Je m’étais un peu entraîné chez moi à faire marcher mon ventre !
- Ah bon ! Très bien ! Tu t’étais détendu un peu avant ?
- Bien sûr ! Tous les soirs et tous les matins, en essayant de devenir « lourd », comme vous me faites faire…
- Eh bien, étant donné le résultat, je ne peux que te dire : « Continue » !
- Au fait… cette semaine, j’ai mieux dormi !
- Super ! Alors, continue doublement !
Gérard
« voulait vraiment » s’en sortir et s’en donnait les moyens ! Des
progrès aussi rapides ne sont pas chose courante, surtout dans un cas
comme le sien !
L’avenir s’annonçait… radieux !
Quelques temps après…
Les
cours se succédaient, apportant sans cesse de nouveaux progrès. Gérard
adorait ses relaxations et ses massages et ne faisait désormais
pratiquement plus d’erreur dans nos exercices de Taïchi en position
allongée que, bien entendu, je compliquais peu à peu !
Par exemple, l’exercice du « soufflet de forge », s’était progressivement enrichi de vrais sons à l’expiration !
C’était la suite logique !
Pratique :
A partir d’inspirations abdominales correctes, sonoriser les expirations, cette fois avec la voyelle « ha » ! (*)
(*)
Dans cet exercice, chaque expiration sonorisée avec ha <<<
est, comme dans l’exercice précédent, le résultat d’une contraction des
muscles de l’abdomen, à partir de la symphyse pubienne.
Attention,
j’insiste ! Il ne s’agit surtout pas de rentrer le ventre… ni de le
faire bomber mais, simplement – souffle pris correctement - de le
contracter en place, à partir de la symphyse pubienne ! Notons
cependant que chaque expiration sonorisée réussie provoque un léger
bombement au niveau de l’épigastre (l’estomac).
Les
relâchements inspiratoires qui suivent chaque son doivent être
absolument silencieux ! Faire des tenues assez courtes au début (ex :
quatre noires dans un tempo assez allant…) puis, progressivement
ralentir le tempo… allonger les tenues, puis varier les difficultés…
Voir le billet : « Le cri du corps » !
Travail de transition avant vocalisation
Deux
mois environ s’étaient écoulés. Après relaxations et massages - que
Gérard avait souhaité continuer - nous révisions rapidement l’abc de
notre taïchi !
Car, même si désormais les
exercices de base s’enchaînaient vite… et bien, il était nécessaire de
les pratiquer régulièrement afin d’en imprimer solidement les principes
fondamentaux ! (Vingt fois sur le métier…)
Ensuite,
nous reprenions les mêmes éléments de travail en position verticale :
c’était autrement plus difficile pour Gérard, mais indispensable avant
d’aborder la vocalisation proprement dite !
Bientôt,
notre programme se corsa encore. Une pré-vocalisation fut ajoutée tout
doucement. Elle était composée d’exercices ultrasimples : quintes et
petits arpèges sur « brrou » puis sur « hum » qui permirent de lui
faire acquérir - à la fois - une statique correcte et un bon ressenti
de la distribution du souffle ! (*)
(*)
« Brrou » est un son obtenu, lèvres vibrant en contact léger, rappelant
un peu un bruit de moteur (brroum brroum brroum…) ; « Hum » est un son
obtenu bouche fermée (humming).
Pratique de vocalisation en position verticale, en bref :
Avant
toute chose, apprendre à « tenir son dos ». Ce n’est pas d’une cambrure
accentuée dont je parle mais d’une tenue souple du bas du dos, comme si
celui-ci était doucement soutenu de chaque côté par les mains d’une
personne située derrière soi. Dans cette position, sans aucune raideur,
la poitrine est dégagée, les épaules sont basses ! Naturellement, ne
pas lever le menton… la bonne position de la nuque est capitale.
Ensuite,
dos et nuque en place, pratiquer des exercices de respiration divers
(par exemple, des expirations de durées variables sur Pss <<
‘’<<<< ‘’<<<<<<<< ‘’<<< ‘’
conviennent bien pour cet exercice) (*)
(*) Attention ! Le ventre se contracte en place et ne doit en aucun cas partir à l’avant !
Une
fois que le mouvement de « réactivation abdominal » (inspirations
réflexes « ‘’ ») sera bien réalisé, on pourra commencer à produire les
quintes et les petits arpèges sur « brrou » et « hum » dont je parle
plus haut ! On ajoutera ensuite l’exercice « NG » (le son est le même
que le humming mais il est réalisé bouche ouverte, maxillaires
débloqués).
Pour des explications complémentaires, voir le billet :
« Je ne sais pas respirer ».
Ce
billet retrace le travail réalisé avec un jeune homme également affligé
d’un problème de « souffle inverse » ! Son cas est semblable à celui de
Gérard mais, bien sûr, très loin d’être identique.
Une fable
Sans
plus attendre, après seulement deux mois et demi de cours, j’ai demandé
à Gérard d’apprendre une fable de la Fontaine. Ce serait là un
excellent support pour nous permettre de rétablir progressivement un
bon réflexe au niveau du discours. Car, s’il parvenait maintenant à
appuyer son souffle à peu près correctement dans nos exercices sur «
brrou » et « hum », les réactivations abdominales étaient encore loin
d’être correctes lorsqu’il parlait ! (*)
(*) Le billet très important : « Comment doit-on respirer ? » donne beaucoup d’explications utiles à ce sujet.
Pour
commencer, j’ai choisi de lui faire travailler : « La laitière et le
pot au lait », une fable de La Fontaine dont l’articulation « claire »
convient très bien pour ce travail.
Du presque jamais vu…
La
semaine suivante, Gérard arriva en me disant fièrement qu’il savait la
fable par cœur ! Ce diable de garçon avait vraiment le « feu sacré » !
Je lui ai promis que nous commencerions à la travailler en fin de leçon
!
Promesse tenue ! Après notre succession
d’exercices - qui s’affinaient de plus en plus - nous avons commencé à
l’étudier techniquement !
Pour cela, dans un
premier temps, Gérard a dû s’installer de nouveau sur la table de
massage. En effet, dans les cas relativement difficiles, il est
beaucoup plus aisé de commander les réactivations abdominales dans la
position allongée.
Marche à suivre :
Confortablement
allongé sur le dos, un oreiller sous la nuque et les genoux remontés
pour compenser la cambrure, commencer, pour lancer l’exercice, par
faire quelques respirations abdominales simples sur « fff
<<<<< ‘’ >>>>> » !
Suivrons des expirations « comptées ». J’entends par là, l’action de prononcer lentement, à haute voix, des séries de chiffres.
Exemple
: compter lentement 1 2 3 et se « laisser inspirer » ensuite, d’une
façon réflexe et silencieuse. On aura donc : 1 2 3 ‘’ 1 2 3 ‘’, etc.
Ensuite,
compter en faisant varier le nombre de chiffres et le rythme de
comptage (plus lent, plus vite) : 1 2 3 ‘’ 1 2 3 4 5 ‘’ 1 2 ‘’, 1 2 3 4
5 6 7 8 ‘’, etc.
Une fois les réactivations
abdominales bien intégrées avec les séries de chiffres… on pourra
s’exercer à prononcer les premières phrases de la fable, en lecture
recto-tono (sur le même ton), en respectant une ponctuation correcte.
Exemple
: « Perrette ‘’ sur sa tête ‘’ ayant un pot au lait bien posé sur un
coussinet ‘’ prétendait arriver sans encombre à la ville » !
Les
réactivations respiratoires étant parfaitement acquises en position
allongée… on s’essaiera au même travail, d’abord en position assise
(non avachie, dos tenu), puis verticale, en parfaite statique et…
toujours en lecture « recto tono » ! (*)
(*)
La lecture « recto tono » a l’avantage de permettre de se concentrer
entièrement sur la respiration, tout en soutenant mieux la régularité
du texte. Ce n’est qu’ensuite, quand le procédé de base sera tout à
fait correct, qu’on adoptera une interprétation normale.
Ce
diable de Gérard parvint très bien, dès cette première fois, à réciter
convenablement un bon tiers de la fable en lecture « recto tono »,
d’abord allongé puis assis et enfin debout !
Nous avancions à grands pas… je n’en revenais pas !
La vocalisation avance…
Bientôt, étant donné ses rapides progrès, j’ai pu démarrer une vocalisation presque digne de ce nom.
Elle
consistait tout d’abord, après un pré-échauffement sur Brrou, Hum et
NG, à travailler la voyelle « ô » à l’aide de quintes ascendantes, puis
d’arpèges divers. Cette voyelle, ronde et fermée, bien chantée, donne
des résultats étonnants, notamment sur le positionnement laryngé et la
hauteur d’émission ! (*)
(*)
Mais attention ! Mal émise, elle peut se révéler dangereuse en
facilitant l’engorgement des sonorités. Au tout début, une surveillance
drastique du professeur est absolument obligatoire pour éviter tout
désagrément !
Là-aussi, Gérard parvint très vite à réaliser de petits parcours corrects avec cette voyelle !
D’autre
part, notre fable continuait à prendre des couleurs. Gérard y
travaillait comme un chef et la moitié de celle-ci était maintenant
récitée normalement, le « recto tono » ayant été abandonné finalement
assez rapidement !
Théâtre à deux quelques semaines après !…
Tout
en continuant à réciter notre fable à chaque cours, j’avais imaginé,
afin de peaufiner son discours réflexe, de dire avec lui des répliques
de théâtre. J’avais choisi pour cela quelques scènes du premier acte de
l’opérette « Phi-Phi », comprenant de belles tirades entre madame
Phidias et le prince Ardimédon, mon rôle au théâtre ! Pour la
circonstance, Gérard a tenu celui de… Mme Phidias ! Cela a ajouté, au
début tout au moins, plein de sourires et de sous-entendus cocasses. (*)
(*)
Le grand avantage de ce choix était que le texte de Phi-Phi, écrit en
vers, comporte beaucoup d’alexandrins et… chacun sait que les
alexandrins sont excellents pour former les comédiens ! Ils obligent à
soutenir le « legato » du texte…
Je dois dire que
nous nous sommes bien amusés ! Moi, en revisitant le rôle du prince
Ardimédon et Gérard en découvrant la magie des alexandrins.
Il progressait à vue d’œil et en demandait toujours plus !
La
fable était toujours récitée entièrement à chaque leçon, désormais
presqu’en vrai comédien ! Il était temps d’en trouver une autre pour
calmer son appétit d’ogre…
Pour ce faire, je
lui ai parlé d’un grand classique du genre : « Les animaux malades de
la peste », une autre superbe fable de La Fontaine, très prisée dans
les cours de comédie ! Assez longue, elle a l’avantage de permettre au
futur comédien d’emprunter des voix différentes : celle du lion, du
renard, de l’âne, sans oublier celle du narrateur qui intervient assez
souvent ! Cela apporte des oppositions de couleurs et de rythmes et
donne une magnifique vie à ce très beau texte…
J’ai demandé à Gérard d’en prendre doucement connaissance…
Je dors mieux
Ce soir-là, à la toute fin du cours, Gérard insista pour me parler… comme pour me faire une révélation importante !
- Il faut que je vous dise quelque chose !
- Oui ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu veux espacer un peu tes cours ? Etant donné tes progrès, on peut le faire sans risque !
- Surtout pas ! Mais, depuis quelque temps, je dors vraiment beaucoup mieux !
- Tu m’en avais déjà touché un mot !
-
Oui, mais alors là, ça s’améliore de plus en plus ! De plus, les
angoisses dont je vous avais parlé au bilan… elles ont pratiquement
disparu !
- J’étais presque sûr qu’elles étaient
dues à ta respiration. Maintenant qu’elle s’est arrangée en grande
partie, une rémission totale s’installe doucement, mais sûrement ! Ta
respiration était la cause principale de tes multiples ennuis…
- Oui, mais moi, j’avais de la peine à le croire…
- Eh bien, tu avais tort ! Surtout, continue à te relaxer les matins et les soirs… toutes les fois que c’est possible…
- Pas besoin de le rappeler !
- Moi, après un temps : « Alors… tu es content ? »
- Très ému : « C’est peu de le dire ! Merci pour… »
-
Allons, allons, pas d’attendrissement ! Ce n’est pas encore tout à fait
fini ! Mais, ce qui est sûr, c’est que, « dans très bientôt », tu seras
vraiment Nickel !!! Tu courras plus longtemps, tu nageras plus
facilement et le karaté ne t’essoufflera plus…
- C’est déjà le cas en grande partie !
- J’oubliais le principal… tu chanteras comme un pro ! Je suis vraiment content moi aussi ! Notre travail paye à 100%.
Sur le pas de la porte :
- Allez, à la semaine prochaine. Et… dors bien ?
- A très bientôt, dit-il en me serrant dans ses bras… pour la première fois !
L’émotion
sincère de ce diable de garçon m’avait gagné à mon tour. Notre travail
touchait presque à son terme… j’en étais, tout à la fois, heureux et
triste !
Chantons ?
Gérard
supportait maintenant – cela seulement au bout de quelques mois - une
vocalisation de plus en plus pointue, composée des exercices principaux
qu’un chanteur se doit de pratiquer.
Notre
échauffement sur « Brrou » « Hum » et « NG » était suivi d’une
vocalisation de plus en plus complète sur « ô » pour assurer une bonne
hauteur d’émission. (*)
(*)
Inutile de rappeler que je surveillais – en plus des « ô » et d’une
façon drastique - sa respiration et ses appuis !! Tout allait bien de
ce côté-là !
Je ne détaillerai pas ici l’ensemble
des exercices qui suivaient mais disons toutefois qu’ils comprenaient
un travail complet sur les voyelles, sur les attaques différentes (avec
ou sans consonnes) et, naturellement un nombre respectable de « messa
di voce » et de modulations diverses !
Voir le billet : « Le cours de technique vocale type »
Au fil des cours, sa voix, déjà jolie de nature, avait pris du corps et devenait « belle » !
Gérard était radieux…
Choisir une chanson…
J’ai
pensé que le moment était venu d’ajouter à notre programme général
quelques chansons afin de contrôler encore, s’il en était besoin, la
totale disparition de son problème respiratoire, en chantant vraiment !
Puiser
dans son répertoire pour cela lui aurait certainement fait un grand
plaisir (il avait écrit une quinzaine de chansons) et même réalisé au
synthé - m’avait-il dit un jour - des play-back pour chacune) ! Notre
travail serait ainsi facilité mais…
Une petite
voix me disait « non », car il était possible que cela entraîne la
réapparition réflexe de certains signes d’inversion du souffle ;
n’oublions pas que le corps a une mémoire et garde aussi, parfois
longtemps, le souvenir des erreurs anciennes ! (*)
(*)
C’est pour cette raison, qu’après de sérieux progrès techniques ayant
permis d’éradiquer certains défauts, il est fermement déconseillé de
rechanter – au moins au début – des chansons que l’on avait
interprétées auparavant… avec ces défauts !
Un peu plus tard, je fis part de ce projet de chansons à Gérard :
-
J’aimerais beaucoup que nous ajoutions une ou deux belles chansons à
notre programme… je pense sincèrement que le moment est venu !
- Oui ! super !
-
J’avais pensé que nous pourrions prendre quelques-unes des tiennes mais
j’ai peur, dans ce cas, que notre fameux défaut ne remontre le bout de
son nez ; tu les as toutes tellement chantées en t’essoufflant !
-
Non, pas toutes ! Je n’ai encore jamais chanté vraiment les deux
dernières que j’ai écrites ! J’ai fredonné un peu en les écrivant, mais
c’est tout !
- Alors, nous sommes sauvés ! Tu en as fait les play-back ?
- Pas encore pour ces deux-là, mais ça peut être fait rapidement !
- Alors, nous choisirons l’un de ces deux chefs-d’œuvre pour commencer !
- Yes ! Je ferai déjà un play-back pour la semaine prochaine ! Comme ça, on pourra commencer ?
- Ok, promis !
- Et puis, j’ai commencé à apprendre la nouvelle fable ! Elle est super belle !
- Quel bucheur tu fais ! Oui, tout cela est complémentaire !
Le cours suivant
Double
cadeau ce jour-là ! La nouvelle fable, sue en grande partie et le
play-back de sa dernière chanson, construit dans les règles ! C’est un
garçon non seulement travailleur mais doué… le play-back était très
correctement harmonisé !
Après un travail de
vocalisation complet (tout allait plus vite désormais), nous nous
sommes tout d’abord lancés sur « Les animaux malades de la peste ». Je
ne fus pas très surpris que Gérard sache la fable déjà au trois quarts
(elle est pourtant assez longue !) et… vraiment content qu’il s’amuse
comme un fou en prenant les voix différentes ! Le renard, nasillard à
souhait, avait notamment le don de l’amuser au plus haut point !
J’étais
totalement médusé de constater de tels progrès, surtout aussi rapides,
chez ce garçon ! Le principal frein (sa respiration) ayant cédé, une
insatiable boulimie de tout ce qui touchait à l’expression vocale -
dont il avait été si longtemps privé - l’habitait tout entier !
Pendant
qu’il récitait, j’avais naturellement les yeux constamment rivés sur
lui pour surveiller sa respiration et ses appuis ! Dieu merci, tout
fonctionnait à merveille : rien à dire ! (*)
(*)
Devant un tel entrain, j’ai pensé lui conseiller, dans quelque temps,
de prendre des cours de théâtre ! Il était finalement artiste dans
l’âme. Son « outil respiratoire » désormais normal, lui permettait
désormais de libérer une énergie créatrice phénoménale.
Pour mon compte, c’était la première fois que j’assistais à une telle métamorphose !
En
toute fin de cours, nous avons chanté la chanson sur play-back ! Là,
quelques petites hésitations se firent jour à certains moments
délicats. Je n’en fus pas surpris. Heureusement, cela ne dura pas et,
au troisième essai, tout était nickel.
Comme je
le subodorais, il faudrait être extrêmement prudent en reprenant les
anciennes compositions… afin que son moral reste au beau-fixe…
Les semaines suivantes
Elles
furent la suite logique des précédentes ! Tout s’orchestrait
magnifiquement. Nous avons d’abord chanté sur play-back (assez
longtemps) les deux dernières compositions de l’artiste sans abandonner
nos deux fables qui étaient récitées à chaque cours en alternance avec
les répliques de Phi-Phi ! Aucun problème, tout « baignait » ! Gérard
s’amusait et ne parlait toujours pas d’arrêter ou même d’espacer ses
leçons bien que le but soit désormais atteint.
Une
rechute était fort improbable. Il s’exprimait désormais sans bouler ses
phrases, même si des accélérations, voulues cette fois-ci, meublaient
ses discours… comme tout un chacun !
Je lui dis un jour, en fin de cours :
- Je pense que tu pourrais voler maintenant de tes propres ailes…
- Vous ne voulez plus de moi ?
- Tu plaisantes ?
- Oui !
- A bon ! Non, je disais cela car je ne voudrais pas que tu te sentes obligé de continuer tes cours pour me faire plaisir…
-
Erreur ! C’est pour me faire plaisir à moi que je continue ! Je n’ai
aucune envie d’arrêter… je suis bien ici avec vous ! Et puis, j’aurais
peur de m’égarer de nouveau… sans surveillance !
-
Non, je pense que maintenant tu as de bons outils de « référence » !
Nos fables, tes deux dernières chansons seront toujours là pour te
rappeler le « droit chemin » !
- Je pense à une
chose. Une fois toutes mes chansons bien retravaillées, ne
pourrions-nous pas apprendre un air un peu classique… pas trop
difficile ?
- Bien sûr, tu as une jolie voix de
baryton qui progresse régulièrement ! Tu chanterais sûrement très bien
quelques beaux « Arie antiche » italiens !
- Alors, c’est vendu ?
- C’est vendu… nous voilà repartis pour un tour ! Mais, d’abord tes chansons pour bien fixer les choses !
- OK !
«
Ce désir subi de chant classique n’était-il pas destiné à prolonger la
durée de ses visites hebdomadaires ? Je n’ai pas la réponse à ce jour…
mais cela m’a fait diablement plaisir ! »
Epilogue
On
devine la suite ! Tout son répertoire de chansons a été progressivement
retravaillé et, comme je m’y attendais, aucun problème digne de ce nom
n’a fait son apparition. Tout au plus quelques ajustements qui
n’eurent, pratiquement jamais, comme cause sa respiration. De ce côté,
tout demeurait dans la boîte… et y resterait probablement toujours !
Côté « chant lyrique », nous avons chanté plusieurs Arie antiche : Amarylli ; Caro mio ben, ont été les premiers de la liste.
Gérard est un autre homme désormais ! La « grosse épine » qui lui pourrissait la vie s’est volatilisée…
Au
moment où j’écris ces lignes, il vient encore travailler de temps en
temps, histoire de vérifier si tout continue à aller bien… Je pense
pour mon compte qu’il vient surtout visiter un ami !
Il y a tout juste un an et demi que notre travail a commencé ! Mais l’aventure continue…
A bientôt ?
Pour accéder à la liste complète des billets, c’est ici !

Jean Laforêt